Jacques Aghion, Victor Ginsburgh et André Schorochoff
Le vase grec est cassé ou recollé, c’est selon. Voici quelques extraits de presse et d’autres :
Jeudi 8 mars, Herman Van Rompuy, Président du Conseil Européen, parlant de la crise grecque proclame que « le fond du gouffre est derrière nous ».
Samedi 10 mars, dans Le Monde : « La Grèce réussit enfin sa faillite ».
Samedi 10 mars, dans Le Soir : « La Grèce a évité la faillite ».
Samedi 10 mars, dans La Libre Belgique : « Le gouvernement grec impose l’échange aux créanciers restants ».
Dimanche 11 mars, dans le New York Times (Paul Krugman) : « Malgré cette bulle d’air frais, la Grèce est condamnée à bien des années de souffrance ».
Dimanche 18 mars, Jean-Claude Juncker, chef de file de l’eurogroupe : « Nous avons surtout insisté sur l'assainissement des finances publiques sans donner de solution alternative ou laisser le choix à la Grèce ».
Les perles de nos politiciens et journaux sont pas mal trouvées, mais la plus belle reste celle-ci :
« La Grèce est le seul exemple connu d’un pays vivant en pleine banqueroute depuis le jour de sa naissance. Si la France ou l’Angleterre se trouvait seulement une année dans cette situation, on verrait des catastrophes terribles : la Grèce a vécu plus de vingt ans en paix avec la banqueroute. Tous les budgets, depuis le premier jusqu’au dernier, sont en déficit.
« Lorsque, dans un pays civilisé, le budget des recettes ne suffit pas à couvrir le budget des dépenses, on y pourvoit au moyen d’un emprunt fait à l’intérieur. C’est un moyen que le gouvernement grec n’a jamais tenté, et qu’il aurait tenté sans succès.
« Il a fallu que les puissance protectrices de la Grèce garantissent sa solvabilité pour qu’elle négocie un emprunt à l’extérieur.
« Les ressources fournies par cet emprunt ont été gaspillées par le gouvernement sans aucun fruit pour le pays ; et une fois l’argent dépensé, il a fallu que les garants, par pure bienveillance, en servissent les intérêts : la Grèce ne pouvait point les payer. »
Cette perle a paru dans un ouvrage d’Edmond About, La Grèce Contemporaine, Paris, chez Hachette … en 1858. Oui, vous lisez bien 1858 pas 1958 ou 2008 comme vous pourriez le penser. C’est le premier ouvrage d’Edmond About, celui dont nous avions, jeunes, entre deux cours de grec, lu Le Roi des Montagnes et L’homme à l’oreille cassée.
Ce qu’Edmond About avait vu en 1858, Gaston Thorn Président de la Commission Européenne (1981-1985) ne l’a pas vu en 1981 lorsque la Grèce est entrée dans l’UE ; le Président Jacques Delors (1985-1994) ne l’a pas vu en 1992 lorsque la Grèce a signé le Traité de Maastricht ; le Président Prodi (1999-2004) ne l’a pas vu en 2001 lorsque la Grèce est entrée dans la zone Euro (Evro en Grec) ; et José Manuel Barroso Président depuis 2004 n’y voit de toute façon que du feu (grégeois ou follet). C’est bien pourquoi il a été réélu.
Les seuls qui ont vu clair sont la banque Goldman Sachs, Mario Draghi, actuel président le la Banque Centrale Européenne—mais aussi ancien associé de la dite banque, chargé de vendre ses swaps qui ont permis de dissimuler une partie de la dette grecque—Mario Monti, actuel Président du Conseil des Ministres italien—mais aussi ancien international advisor depuis 2005 de la dite banque—et bien entendu Lucas Papademos, actuel premier ministre grec—mais aussi ex gouverneur de la Banque de Grèce au moment du maquillage des comptes grecs (1).
La tragédie grecque se terminera, comme dans l’Antiquité, dans la rage et les larmes. Se trouvera-t-il dans le monde une héroïne qui, comme Antigone, a trouvé la conduite de Créon un outrage aux dieux et à leurs honneurs et Créon, lui même, qui a finalement avoué que « le désastre est venu de [ses] propres plans ». Un peu de courage que diable, Messieurs.
(1) Goldman Sachs, le trait d’union entre Mario Draghi, Mario Monti et Lucas Papademos, Le Monde 14.11.2011 http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/11/14/goldman-sachs-le-trait-d-union-entre-mario-draghi-mario-monti-et-lucas-papademos_1603675_3214.html