jeudi 3 juillet 2025

L'Allocation Universelle : La Nouvelle Chimère à la Mode

Pierre Pestieau


Paradoxalement, je n'ai jamais autant entendu parler de l'allocation universelle aux États-Unis qu'en cette période pourtant trouble. Ce concept séduisant promet à chaque citoyen un revenu minimal garanti, sans condition d'activité professionnelle. Une utopie qui, sous ses dehors généreux, dissimule un abîme de contradictions et d'écueils aussi bien économiques que sociaux.

L'objection fondamentale — et je la partage sans réserve — tient à l'impossibilité financière d'un tel programme, particulièrement dans un État déjà asphyxié par sa dette et son système fiscal à bout de souffle.


Les nouveaux apôtres de l'allocation universelle s'appuient sur un postulat alarmiste : l'intelligence artificielle engloutirait inexorablement les emplois non qualifiés, nécessitant une forme de "pacification sociale" par la distribution d'une aumône institutionnalisée. Cette vision conduirait inévitablement à une fracture sociétale profonde — une élite active et prospère d'un côté, une masse d'assistés de l'autre, privés non seulement de ressources décentes mais aussi de ce qui forge l'identité sociale : le travail. Car au-delà du simple revenu, l'activité professionnelle confère dignité, reconnaissance et appartenance sociale. Arracher cela à une part croissante de la population revient à cultiver un sentiment toxique de parasitisme, véritable bombe à retardement pour notre cohésion sociale.

Ces néo-conservateurs misent cyniquement sur une allocation dérisoire, juste suffisante pour maintenir les masses dans une résignation passive, creusant davantage le gouffre des inégalités. Une société ainsi divisée entre techno-élites et sous-prolétariat désœuvré porterait en elle les germes de sa propre implosion — précisément ce que ce système prétendait éviter.

Comment conjurer cette dérive programmée ? Les solutions existent, éprouvées mais délibérément ignorées. Elles résident dans la valorisation résolue de l'éducation et de la formation continue, préparant chacun à l'évolution permanente du monde professionnel, bien au-delà des années de jeunesse. En développant les compétences réfractaires à l'automatisation — créativité, empathie, pensée critique — nous façonnerions une économie à visage humain, moins vulnérable aux bouleversements technologiques. Il serait également crucial de reconnaître enfin la valeur des activités non marchandes mais essentielles — soins, enseignement, protection environnementale, culture — secteurs difficilement automatisables et pourtant vitaux pour notre bien-être collectif. Malheureusement, cette approche demeure étrangère à la pensée superficielle des nouveaux convertis à l'allocation universelle.

2 commentaires:

  1. Il faut relire ceux qui savent de quoi ils parlent: Jean Zin commente le livre de Jean-Marc Ferry.

    https://jeanzin.fr/ecorevo/politic/revenus/ferry.htm

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  2. Mateo Alaluf avait consacré un texte intéressant à ce sujet

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