Victor Ginsburgh
À P.L. pour le décider à jeter son son iPad aux orties
Où sont les grandes bibliothèques, celles des entasseurs, comme les appelle Bonnet : « Richard Heber (1774-1883) possédait 300 000 volumes répartis dans cinq bibliothèques différentes, en Angleterre et sur le continent, chacune ayant envahi cinq demeures ; les livres formaient de véritables forêts avec allées, avenues, bosquets, chemins dans lesquels on se heurtait aux piles et aux amoncellements. Antoine-Marie-Henri Boulard (1754-1825) avait entrepris de sauver les livres que les confiscations et détournements révolutionnaires avaient jetés sur le marché, et finit par remplir neuf ou dix immeubles acquis pour y loger ses 600 000 volumes. Leur vente organisée par ses fils entre 1828 et 1832, provoqua un tel encombrement des librairies et des boîtes de bouquinistes que les prix de l’occasion s’effondrèrent durant plusieurs années » (pp. 31-32). Plus près de nous, j’ai entendu dire par des personnes dignes de foi, que feu Jean Stengers, professeur d’histoire à l’Université Libre de Bruxelles, avait entassé ses livres dans cinq maisons.
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Les éditeurs scientifiques ont été les premiers à s’intéresser à la numérisation des revues (pas des ouvrages) scientifiques. Et nous nous sommes tous réjouis, c’était si simple. Clic. Si simple que ces chers éditeurs ont outrageusement profité et augmenté les prix des abonnements de façon tout à fait déraisonnable, au point que les bibliothèques des universités (y compris américaines) ne pourront bientôt plus les payer. Juste retour de manivelle à notre joie (6) ?
(1) Cette phrase est essentiellement interprétée comme voulant dire « je crains l’homme qui n’a lu ou qui ne possède qu’un seul livre », et c’est dans ce sens un peu élargi que je la prends ici, mais d’autres interprétations sont possibles. Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Homo_unius_libri
(2) Le nom de la rose, Grasset, 1982.
(3) La bibliothèque, la nuit, Actes Sud, 2006.
(4) Des bibliothèques pleines de fantômes, Denoël, 2008.
(5) Voir à ce sujet Fernando Baez, A Universal History of the Destruction of Books from Ancient Sumer to Modern Iraq, Norton & Company, 2008. Il y a aussi le roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, Denoël, 1951.
(6) Voir par exemple M. Dewatripont, V. Ginsburgh, P. Legros, A. Walckiers, J.-P. Devroey, M. Dujardin, F. Vandooren, P. Dubois, J. Foncel, M. Ivaldi, D. Heusse, Study on the economic and the technical evolution of the scientific publication market in Europe, Report commissioned by DG-Research, EC, http://ec.europa.eu/research/science-society/pdf/scientific-publication-study_en.pdf, January 2006.
Tout comme la radio n'a pas fait disparaître la littérature, le cinéma le théâtre ou la télévision le cinéma, l'ordinateur la réflexion, je doute que le livre digital fera disparaître le livre en papier. Toute innovation apporte une nouvelle marnière de voir et d'utiliser, mais un support comme le livre ne pourra disparaître qu'avec la disparition de la civilisation, ce qui est probable vu l'état actuel de la planète.
RépondreSupprimerDear Victor,
RépondreSupprimera great entry! It reminds of what Umberto Eco was saying about 'reading books with our fingertips', i.e. that even when we don't read a book, we actually do read it.. by browsing it here and there, by turning it around.. in other words, by osmosis. Here is his short piece about such reading:
http://librimetropolitani.wordpress.com/2008/02/25/umberto-eco-la-bustina-di-minerva-leggere-i-libri-coi-polpastrelli-1998/
(it is in Italian).
Best, Gani