jeudi 21 janvier 2016

Résister à ses démons

Pierre Pestieau

Après les tragédies de janvier et novembre 2015, la commotion était grande, quoi de plus naturel et de plus justifié. Dans ces deux circonstances, l’émotion a conduit la majorité des politiques, des analystes et des citoyens lambda à tirer des conclusions nécessairement hâtives. On retrouve le même ébranlement et les mêmes commentaires à l’emporte pièce quand il s’agit des atrocités de l’Armée Islamique. Comme le rappelle Todorov dans une remarquable interview à Libération (1), dans ce domaine il est important de raison garder. Il y affirme: « Les insoumis refusent de céder à l’adversaire, mais aussi à leurs propres démons ». C’est dans ce processus de réaction à froid que je voudrais rappeler quelques faits en évitant de conclure.


Je viens de terminer un remarquable roman Dans la grande nuit des temps (2). L’action se déroule pour l’essentiel à Madrid au début de la guerre civile lorsque la république que soutient le personnage principal se déchire dans la violence, l'épuration entre factions rivales et les meurtres de rue. A plusieurs reprises, il regrette que son propre camp se rende responsable de la destruction d’un patrimoine religieux irremplaçable, y compris des peintures du Greco.

En pensant à ces jeunes islamistes qui se tuent ou meurent au combat, je ne peux éviter de penser au Chant des Partisans :

« Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre а ta place ».

On passe d’une cause noble à une cause oh combien discutable. Mais le processus est le même.

Dans son rapport annuel consacré à la Belgique, l’OCDE (3) observe que les immigrés y « représentent déjà près d'un cinquième de la population en âge de travailler, mais que leurs taux d'emploi et leurs salaires, en particulier pour ceux nés en dehors de l'Union européenne, restent très faibles. Ils sont surreprésentés dans les emplois peu qualifiés, sous-représentés dans les emplois administratifs et souffrent globalement d'une situation défavorable sur le marché du travail. Leurs enfants connaissent souvent les mêmes problèmes et tendent à fréquenter en majorité des établissements scolaires défavorisés. » En amont, on retrouve les mêmes disparités dans notre système d’enseignement. La performance des enfants issus de l’immigration hors Union européenne est depuis longtemps catastrophique.

Enfin, un film récemment revu : La Reine Margot. Excellent mais où la religion apparaît non seulement comme l’opium du peuple, mais un opium au nom duquel toutes les atrocités sont permises.

(2) Dans la grande nuit des temps (La noche de los tiempos) d'Antonio Muñoz Molina, Paris : Seuil.

(3) http://www.oecd.org/eco/surveys/Overview_Belgium_2015_Eng.pdf

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire