A qui la faute de
la fausse science ?
Victor Ginsburgh
Poisson d'avril |
Le Monde du 20 juillet dernier (1) a lancé une
« alerte au business de la fausse science » qui accuse des éditeurs
de « pseudo-revues savantes [de publier] des milliers d’articles qui n’ont
pas de valeur scientifique ». Je reçois presque tous les jours des emails
de « directeurs » de revues m’expliquant qu’ils ont lu mon dernier
article sur ceci ou cela et m’encouragent à leur soumettre un article de la
même veine, qui sera « arbitré » (refereed en anglais) par des pairs
et qu’ils se feront un plaisir de publier le plus rapidement possible [je me
permets d’ajouter, quelle que soit la qualité de mon article]. Le plus amusant
(et le plus scientifique aussi), c’est que la revue a vu une critique que j’ai
faite d’un livre sur le vin, et me propose de lui envoyer un article qui n’a absolument
rien à voir avec la chose. Comme ce sont des revues consultables gratuitement
sur internet (open access), ils me chargeront bien entendu les frais de
publication. D’autres m’invitent à coordonner un numéro spécial de leur revue.
J’en donne deux exemples en annexe, et suis sûr que mes collègues en reçoivent
tout autant.
Il suffit
d’introduire sur Google les mots « list of fake scientific journals »
pour tomber sur 2,95 millions d’entrées (en tout cas le 7 août 2018). La
première entrée, la « Beall’s list of predatory journals and
publishers » contient une liste de 2.425 maisons d’édition (2) et des
revues telles que, l’American Journal,
tout simplement (c’est con, personne n’y avait pensé avant eux), l’Advanced Science Research Journal, l’American Society of Registered Nurses,
qui publie The Journal of Nursing, The
Journal of Advanced Practice Nursing, The Chronicle of Nursing, American
Nursing Review, Nursing Today, World News & Nursing Report, presque plus de revues qu’il n’y a d’infirmières
dans toute la francophonie européenne.
On ne peut donc
reprocher à personne de ne pas faire de la publicité négative concernant ce
nouveau domaine commercial. Et on ne peut pas reprocher aux universités de
demander aux chercheurs de publier, mais comme le dit Le Monde, les deux naviguent de conserve : « les titres
prédateurs prospèrent sur l’injonction faite aux chercheurs de publier
beaucoup ». Et même de vieux singes, comme ce professeur émérite de
l’Université de Bordeaux, ex-directeur du département de médecine générale, racontent
qu’ils se font piéger, comme le rapporte Le
Monde.
Alors, ose-je
dire, là cela ne va plus du tout. Je suis aussi professeur, mais seulement
honoraire, et plus très jeune. Et même si je publie dans des revues qui ne sont
pas toujours parmi les 10 ou 20 premières classées, j’essaie, et ne me contente
pas de publier le résultat de mes « recherches » sur le site que les
universités mettent, à tort, à notre disposition (3). Pourquoi à tort ?
Parce que l’on y met tout et n’importe quoi, parfois (voire souvent) sans que
le manuscrit ait été lu par quiconque d’autre que son producteur. On en est
donc au même point que celui des revues bidon dont il est question plus haut,
sauf que c’est gratuit, ce qui incite à écrire encore plus, et personne ne
gagne, au contraire.
Il va de soi
qu’il est dans l’intérêt de la société scientifique d’éviter de publier
n’importe quoi. Et ce n’importe quoi naît évidemment dans les universités et
les centres de recherche, en partie parce que « il faut publier ». En
effet, il faut publier, parce que
croire qu’en publiant moins on publiera mieux n’est pas prouvé. Bien au
contraire. Il y a bien longtemps, De Solla Price (4), le créateur de la scientométrie,
a montré que qualité et quantité des publications sont souvent liées. Linus Pauling,
prix Nobel de chimie en 1954 et prix Nobel de la Paix en 1962 a publié 1.200
articles et livres, dont 850 sont scientifiques. Kenneth Arrow, prix Nobel
d’économie, en a plus de 1.000, et ses écrits sont cités 190.000 fois.
Mais, il est
évident que les universitaires, professeurs et chercheurs seniors, doivent
mettre en garde leurs étudiants et chercheurs juniors contre les revues qui ne
valent rien et, de surcroît, chargent des frais de publication aux chercheurs
ou aux institutions.
C’est d’ailleurs
facile. Il existe dans chaque domaine des revues que tout chercheur senior
connaît, soit parce qu’elle ou il en a une connaissance intuitive ou parce que
des listes ont été établies par des organisations reconnues. Voir par exemple,
le classement CNRS en sciences économiques et de gestion (5). Ni l’intuition ni
les listes ne sont parfaites, mais au moins l’une comme les autres, voire les
deux permettent d’éviter des catastrophes majeures sur lesquelles Le Monde attire notre attention.
Après tout, si
les éditeurs de ces revues sont foireux, parce que seul l’argent les attire,
les scientifiques devraient être sérieux et défendre la science. Sans quoi ils
sont tout aussi foireux.
(1). Stéphane Foucart et David Larousserie, Alerte
au business de la fausse science, Le Monde, 20 juillet 2018. Voir aussi Des
centaines de chercheurs néerlandais victimes de la fausse science et ses revues
bidon, RTBF, 8 août 2018 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_des-centaines-de-chercheurs-neerlandais-victimes-de-la-fausse-science-et-ses-revues-bidons?id=9990663
(3). Voir par exemple le site https://orbi.uliege.be de l’Université
de Liège, mais c’est le cas de bien d’autres aussi. Notons cependant que les
universités font la différence entre documents publiés, et indiquent le nom de
la revue, et documents non publiés. Il s’ensuit qu’il est possible de trier
entre le probablement bon et le probablement pas très bon.
(4). Derek de Solla Price, Little Science Big Science, New York : Columbia University
Press, 1963.
Annexe
Dear Victor Ginsburgh,
I have had an opportunity to read your paper “Book Reviews:
MARK A. MATTHEWS: Terroir and Other Myths of Winegrowing. University of
California Press, Oakland, 2016, 288 pp., ISBN 978-0-520-27695-6 (hardcover),
$34.95.” published in The Journal of Wine Economics and believe that you
are an expert in this field.
Economics, Law and Policy (ELP) focuses on scholarly
research and practical experience of a wide range of research areas within the
general field which covers, but is not limited to the following areas:
Economic
Theory, Economic Philosophy, Economic
Development, Law, and Economics, Legal History
and Theory, Civil Law, International
Law, Comparative Law, Public Law, Technology Law, Public and
Social Policy, Education Policy, Environmental
Policy, Monetary Policy, Language
Policy, EU Policy, Science and
Innovation Policy, Foreign Policy
We are calling for
submission of papers.
1) Original Papers (within
3000-8000 words are better). Review Cycle: within 2-3 weeks.
2) Short Papers (Book
Review, Study Protocol, Case Study, Short Communication, Short Research Report,
etc. within 2000 words). Review Cycle: within 1 week.
Interested authors are
strongly encouraged to submit their article online or send submissions to elp@scholink.org
If you are
interested in the position of reviewing submissions, Please click the home page of Scholink:
http:/www.scholink.org
and download the application form in the block of “For reviewer”, fill in your
information and send it to the editor: elp@scholink.org
For more questions, please
contact me freely.
Thank you.
Best Regards,
Sophia Walker
Editorial Assistant,
Economics, Law and Policy
Scholink
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445 S. Figueroa Street
Los Angeles, CA 90071
Tel: (626)513-2983
Fax: (626)333-8885
Parfois c’est beaucoup plus
court et direct comme le montre cet exemple plus chic, puisqu’au moins on
s’adresse à moi comme “Dear Professor”.
Dear
Professor,
On
behalf of editorial team, we invite you to submit your articles for upcoming
issue. Kindly submit your articles on or before 25th August 2018.
Best
Regards,
Christiana
Lawrence
Journal
Manager
Journal of Fine Arts
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