Victor Ginsburgh
Les Ministres de l’Enseignement Supérieur dans la Communauté française n’ont manifestement pas grand-chose à faire. Et que fait-on quand on n’a rien à faire ? On réforme.
Le première réforme, celle de la Ministre Marie Dominique Simonet, chrétienne démocrate, a consisté à créer des « académies confessionnelles » (universités catholiques, universités non catholiques, autres ?) où qu’elles soient localisées et sans se préoccuper le moins du monde des possibles synergies. On dit que ce sont les recteurs de l’Université Libre de Bruxelles et de l’Université catholique de Louvain qui le voulaient ; ils auraient mieux fait de proposer une Académie Bruxelles-Louvain d’ailleurs. Là, il y avait des synergies (1).
Et je ne veux pas rentrer dans le détail des réglementations pointilleuses et épuisantes, qui portent même sur les programmes doctoraux. Bref, la foire. Que fait-on ?
Cette fois c’est un ministre socialiste M. Marcourt, qui découd la réforme précédente et suggère de regrouper toutes les académies en une seule qui sera, « secondée de pôles ou de bassins géographiques », comme l’explique si joliment l’article paru dans Le Soir du 9 mai (3). Le « bouleversement » est double : les académies actuelles sont remplacées par des pôles qui comprendraient non seulement les universités mais aussi les hautes écoles d’une même région, les compétences seraient vastes (bof) et la gouvernance extrêmement simple avec (seulement) trois niveaux : un niveau « exécutif » (le recteur et les représentants des institutions membres), un niveau « décisionnel » dont les fonctions ne sont pas précisées, sauf que ce serait une « sorte de conseil académique » et un niveau « stratégique », ouvert au représentants des milieux politiques (quelle chance !), culturels (c’est quoi ?) et sociaux (syndicats et entreprises). Quelle magnifique simplification, ça va être facile à gérer. Et sûrement engendrer une recherche et un enseignement de pointe.
Et ce n’est pas fini. Il faut aussi que le Ministre s’occupe de la représentation étudiante dans les universités, parce que le système actuel n’est pas démocratique (4).
Les universités belges qui étaient raisonnablement compétitives en matière d’enseignement et de recherche risquent bien d’être submergées par les changements qui leur sont assénés et étouffées par les réglementations que les ministres leur imposent, en intervenant dans les programmes, y compris dans les études doctorales. Elles devraient avoir, nous semble-t-il, des choses plus importantes à faire !
Mais ça, c’est une chose qui n’intéresse manifestement pas beaucoup les ministres…
(2) Voir Ranking Web of World Universities, http://www.webometrics.info/.
Je suis loin d’être un fana ou un croyant des classements des universités, mais ça m’amuse de les regarder de temps à autre. On apprend des choses…
(3) Vers une seule académie en Communauté française, Le Soir, 9 mai 2011.
(4) Voir http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/660423/le-chamboulement-de-la-representation-etudiante.html
J’ai reçu deux réactions à cet article.
RépondreSupprimerLa première concerne le fait que ce n’est pas, comme je l’avais écrit, la Ministre Marie Dominique Simonet, chrétienne démocrate, qui a procédé à la réforme de l’enseignement en « académies », mais bien la Ministre Françoise Dupuis, socialiste.
La deuxième me vient d’un Prorecteur de l’Université catholique de Louvain à l’époque où cette réforme a été discutée :
« Le Conseil rectoral de l'UCL, du temps du Recteur Crochet, était tout à fait contre l'idée de créer des Académies de ce type, et je me rappelle Marcel Crochet (j'étais Prorecteur—au sens de l'UCL—à l'époque) évoquant le fait qu'un axe Université catholique de Louvain et Université Libre de Bruxelles serait probablement plus utile dans bien des domaines. On a d'ailleurs fait une tentative d'intégrer notre faculté d'agronomie et celle de Gembloux mais le projet a échoué du côté de Gembloux. Si les recteurs de l'époque écrivent un jour leurs mémoires, ce serait intéressant de voir ce qu'ils en disent eux-mêmes... ».
Dont acte, comme on dit.