Pierre Pestieau
Une scène typique de nos grandes villes. Un matin me rendant à la gare d’un pas pressé, j’ai néanmoins le temps d’apercevoir une scène cocasse. Une dame d’allure bourgeoise s’est arrêtée devant un bout de trottoir où visiblement un SDF venait de passer la nuit. Traces de sa présence : une canette de bière, quelques mégots, des bouts de papiers gras. J’entends des bribes de son monologue : « un scandale, c’est ainsi que notre belle ville est devenue une poubelle et que notre planète est cochonnée… »
Au-delà de la cocasserie de la situation, je ne pouvais m’empêcher de songer à quel point cette dame avait vraisemblablement une empreinte écologique (1) nettement plus élevée que celle de ce malheureux clochard. Certes ce raisonnement reposait sur certaines déductions tirées de son apparence, qui révélait une aisance financière. Je pouvais faire fausse route dans le cas présent. Son apparence pouvait être trompeuse et dissimuler une écologiste vivant selon ses principes. Mais si je ne me trompais pas, et si elle vivait seule d’une retraite confortable dans une maison bourgeoise, profitant de ses loisirs pour voyager de par le monde, elle contribuait à la destruction de notre planète bien plus qu’une dizaine de SDF.
Selon l'association de protection de l'environnement WWF (2), l’empreinte écologique la plus élevée se trouve dans les pays à haut revenus, elle y serait en moyenne 5 fois supérieure à celle des pays à faibles revenus. On retrouve la même relation au niveau des ménages; les individus les plus riches, ceux qui disposent de beaucoup de loisirs et qui vivent en petit nombre dans un habitat spacieux et isolé ont un empreinte écologique nettement plus élevée que le reste de la population et particulièrement les pauvres et les sans abri. Et ce n’est pas parce que l’on trie scrupuleusement ses ordures ménagères et que l’on opère son propre compost que cela changera substantiellement.
Je ne connais pas d’étude portant sur la Belgique. A titre d’exemple, je citerai une étude canadienne (3) selon laquelle l’empreinte d’un ménage canadien croît systématiquement avec son niveau de revenus. Ainsi les 10% de ménages canadiens les plus riches génèrent une empreinte écologique de 12,4 hag/habitant, soit près de deux fois et demie plus que les 10% les plus pauvres (la moyenne nationale étant de 7,07 hag/hab.). L’empreinte écologique associée à la plupart des catégories de consommation augmente avec le revenu du ménage ; les plus grandes différences se situent au niveau de la mobilité. Dans ce secteur, l’empreinte des 10% au plus haut revenu dépasse de près de neuf fois l’empreinte du décile inférieur des revenus. La mobilité est suivie par la consommation des produits non alimentaires où l’empreinte du décile supérieur est de 3,75 fois plus importante que celle du décile inférieur ; en revanche, l’empreinte alimentaire montre très peu de variabilité en fonction du revenu.
(1) L'empreinte écologique d’un individu est la superficie géographique (hag ou hectares globaux) nécessaire pour subvenir aux besoins de cet individu et absorber les déchets qu’il produit.
(2) World Wildlife Foundation, http://www.wwf.fr/
(3) Voir http://www.policyalternatives.ca/
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