Pierre
Pestieau
Certains
d’entre vous ont sans doute lu le roman à succès de Dimitri Verhulst au
titre surprenant La Merditude des choses (1). Plus nombreux sont
ceux qui ont vu le film qui en a été tiré et qui a eu un grand succès en
Belgique comme en France (2). Le roman décrit surtout la
jeunesse de l’auteur qui vit dans une maisonnée étonnante. La seule femme y
était sa grand-mère, propriétaire du logis qui abritait aussi ses quatre fils adultes à commencer par le père de l’auteur, le facteur du
village, qui a hérité de son propre père un alcoolisme à toute épreuve. C'est
aussi le seul de la fratrie à occuper un emploi à temps plein, les autres naviguant entre petits
boulots, délinquance et oisiveté à outrance. Dimitri vit donc avec son père et ses trois oncles chez
sa grand-mère, une sainte femme qui fait leur lessive, les laisse boire sa
maigre pension et nettoie le mobilier avant le passage de l'huissier. Les
quatre frères et le jeune garçon passent l’essentiel de leur temps à écluser
les bars de Reetveerdegem (village fictif situé non loin d’Alost) lors de
beuveries épiques. Ils défendent à coups de poing l'honneur familial,
organisent des Tours de France éthyliques ou des courses de vélo nudistes.
J’ai beaucoup aimé ce roman qui appelle plusieurs réflexions. D’abord même si l’action se déroule en pays flamand il y a une vingtaine d’années, il aurait pu tout aussi bien se passer en Wallonie. En lisant se roman, on finit par adopter cette famille de marginaux à tels point qu’on se met à trouver que ce sont les gens « normaux » qui sont marginaux.
J’ai beaucoup aimé ce roman qui appelle plusieurs réflexions. D’abord même si l’action se déroule en pays flamand il y a une vingtaine d’années, il aurait pu tout aussi bien se passer en Wallonie. En lisant se roman, on finit par adopter cette famille de marginaux à tels point qu’on se met à trouver que ce sont les gens « normaux » qui sont marginaux.
L’auteur est peu explicite
sur les moyens de subsistance de sa famille ; il parle bien de la
« petite pension » de sa grand-mère, du salaire de son père facteur qui
sans nul doute doit abuser des ses congés de maladie mais on ne sait pas si les
trois autres frères émargent à l’assistance publique ou touchent des allocations
de chômage. Ce qui est vraisemblable dans la normalitude belge. On sait qu’il
leur arrive de travailler au noir. Rien de plus.
La plupart des lecteurs de ce livre appartiennent sans
nul doute au monde des gens « convenables » qui ne supporteraient pas
d’avoir des voisins comme ces six personnages. Bien sûr le marché immobilier
est suffisamment efficace pour éviter ce genre de proximité. Il demeure qu’on
peut se poser la question de la responsabilité de l’Etat face à cette
situation. Un libertaire estimera qu’il ne faut rien faire ; aussi
longtemps que leurs activités n’empiètent pas sur notre liberté, laissons les
vivre. Il ajoutera que le fait que cette famille a produit un romancier de
qualité qui s’est nourri de son expérience de jeunesse justifie à soi seul de
ne pas intervenir. Il citera Bernanos : « Les plus hautes fleurs de la civilisation humaine ont poussé sur les fumiers de la misère ».
En revanche, le paternaliste estimera que la puissance publique doit agir
au nom d’une bonne gestion des fonds de la collectivité et de considérations de
santé publique. Il y a d’ailleurs intervention puisque l’auteur aura été placé
dans une famille d’accueil. Il voudra aller plus loin avec une politique
proactive de lutte contre le chômage et contre l’alcoolisme. Mais on sait que
ce sont deux domaines difficiles.
(1) Dimitri Verhulst , La merditude des choses , Éd. Denoël & d'ailleurs, 2011, traduit du néerlandais par Danielle Losman. Le titre original en était De helaasheid der dingen,
Amsterdam, Contact, 2008.
(2) Le film De Helaasheid
der Dingen est sorti en 2008 et est réalisé par
Felix
Van Groeningen.
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