Victor Ginsburgh
Nos idées sont toute faites et souvent nous n’en percevons que l’impact
direct ou immédiat, sans nous rendre compte des retombées secondaires, qui
peuvent rendre négatifs les effets globaux.
Première mauvaise idée : Ne plantez pas d’arbres
pour sauver la
planète (1). Des millions de dollars sont consacrés à des programmes de
réduction de la déforestation, qui compte pour quelque 20% des émissions de
dioxyde de carbone. Mais l’idée que replanter peur réduire les émissions est
erroné : « le cycle du carbone, de l’énergie, de l’eau, des terres et
de l’atmosphère est bien plus compliqué et les interactions peuvent au
contraire renforcer le réchauffement si les plantations de nouvelles forêts
sont importantes […]. Replanter dans les tropiques permet de refroidir, mais
l’inverse est vrai dans les régions plus fraîches ». En outre, les arbres
émettent des gaz qui contribuent à la pollution de l’air, se mélangent aux gaz
émis par la circulation automobile et créent un cocktail encore plus nocif. La
conclusion de l’article du NYT est
saisissante : « même si l’on pouvait éliminer totalement la
photosynthèse, le contenu en oxygène de l’atmosphère se modifierait d’un
pourcent à peine […]. La forêt amazonienne produit une quantité d’oxygène
durant la journée, qui est réabsorbé durant la nuit : le système est
fermé ».
Deuxième mauvaise idée : Les ampoules LED ne vont probablement pas
réduire la consommation totale d’électricité (2). Les trois physiciens à
l’origine de leur invention viennent d’obtenir le Prix Nobel de Physique
2014 : « Le remplacement des ampoules ordinaires et des tubes
fluorescents par des ampoules LED va conduire à une réduction drastique de la
demande d’électricité requise pour l’éclairage », soutient le Comité Nobel.
Mais comme l’expliquent Schellenberger et Nordhaus, deux spécialistes de
l’environnement (3) dans leur article du NYT,
la réduction d’énergie par unité d’éclairage sera largement compensée par
l’augmentation de la demande, comme cela a été le cas lors de chaque nouvelle
invention technologique (passage du gaz d’éclairage à l’électricité notamment).
C’est ce que fait observer aussi l’Agence Internationale de l’Energie, qui
estime que la consommation supplémentaire engendrée par l’économie due aux LED
risque de se retourner contre nous et d’accroître de plus de 50% la demande
d’énergie par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui. Bien sûr, les catégories
les moins aisées de la population mondiale en profiteront (enfin), mais il faut
être sans illusion quant à l’effet global (4).
Troisième mauvaise idée : La voiture électrique. Elle
devient
économiquement rentable par rapport à la voiture ordinaire uniquement si l’on
parcourt au moins 20 000 Km par an (5). Oui me direz-vous, ça c’est un calcul
économique, mais sur le plan écologique, elle est plus efficace. Et bien, même
pas. Les métaux qui composent la batterie (notamment le lithium) sont dangereux
et les batteries ne peuvent (pour le moment) pas être recyclées en raison du
coût et de la complexité de l’opération. En outre, si la voiture est rechargée
avec de l’électricité provenant d’une centrale au gaz ou au charbon,
« l’équation écologique se renverse au profit du véhicule diesel ou
essence ».
Trois cas qui relèvent de ce que les économistes appellent les
« effets d’équilibre général », qui permettent de calculer les
conséquences globales d’une mesure sur l’ensemble de l’économie, et pas
uniquement les effets immédiats ou directs. De temps à autre, les économistes
sont sérieux quand même…
(1) Nadine Unger, To save the planet,
don’t plant trees, The New York Times,
September 19, 2014. http://www.nytimes.com/2014/09/20/opinion/to-save-the-planet-dont-plant-trees.html
(2) Michael Shellenberger
and Ted Nordhaus, The problem with energy efficiency, The New York Times, October 8, 2014.
(3) Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Ted_Nordhaus et http://thebreakthrough.org/people/profile/michael-shellenberger
(4) L’article de Nordhaus et Shellenberger dans le NYT a fait l’objet de contestations,
également publiées par le NYT, que
personnellement je ne trouve pas très convaincantes. Mais, qui suis-je?
Voir Andrew Revkin, Is There Room for Agreement on the
Merits and Limits of Efficient Lighting, The
New York Times, October 21, 2014. http://dotearth.blogs.nytimes.com/2014/10/21/is-there-room-for-agreement-on-the-merits-and-limts-of-efficient-lighting/?nlid=33216102&src=recpb
(5) Le Vif/L’Express, 29 semptembre 2014, http://www.levif.be/actualite/auto/la-voiture-electrique-une-mauvaise-affaire/article-normal-314413.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire