jeudi 13 novembre 2014

L’enseignement supérieur, ou ce qu’il en reste après le passage du Ministre actuel

Victor Ginsburgh

Jean-Claude Marcourt, le ministre socialiste de l’Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles carbure beaucoup ces derniers temps, mais surtout du chapeau.

Le 5 novembre 2014 il donne un avis péremptoire
au sujet des étudiant(e)s en médecine qui terminent leurs études, mais dont quelques-un(e)s seulement auront droit d’exercer leur métier (1).

Il en donne une autre en déclarant le 6 novembre (2) qu’il veut instaurer un master interdisciplinaire pour former les Imams. L’interdisciplinarité est sans doute destinée à permettre de recaser les médecins qui seront recalés d’exercer après avoir réussi leurs examens de septième et dernière année.


Nouvelle intervention le 7 novembre. Suite à une règle par lui édictée, les étudiants inscrits à l’université mais qui auraient oublié de payer 10% du droit d’inscription officialisant ladite inscription avant le 31 octobre seront exclus de l’université, alors que cette date était fixée au 30 novembre jusqu’en 2013 (3). Bien entendu, ceci signifie que ces étudiants exclus ne seront pas pris en compte dans le calcul de la subvention des universités. Une petite économie de plus pour la communauté Bruxelles-Wallonie.

Quel génie cet homme !

Mais revenons au problème des médecins, pour autant qu’on puisse encore les appeler ainsi, puisqu’une bonne partie de ceux qui termineront en 2015 n’auront pas le droit de pratiquer ou plus exactement ne recevront pas le sauf-conduit qui permettra à leurs patients d’être remboursés par les mutuelles de soins. Chouette, encore une petite économie qui a consisté à laisser des étudiants s’embarquer dans sept années d’études médicales, ce qui a dû coûter au bas mot la modique somme de 10.000 euros/an en subventions publiques (4), plus l’entretien par les parents de l’étudiant(e) pendant sept ans, qui ne mènent pas à grand chose.

La raison dit ce Ministre Supérieur : il y a trop de médecins. Encore faut-il le prouver et comme il ne semble pas exister de cadastre correct et exhaustif, on ne sait pas trop.

Dans la partie flamande, les étudiants passent un examen d’entrée, ce qui semble relever de la logique de base, et les universités acceptent le nombre qui correspondra à peu près aux besoins futurs.

Dans la partie francophone, M. Marcourt ne veut pas de cet examen qui est discriminatoire… Alors que les recteurs des universités y sont favorables, lui, le ministre ne l’est pas puisque « les étudiants n’en veulent pas » (5), ce qui est évidemment une bonne raison : il y a plus d’étudiants que de recteurs qui votent.

Mais ce génial ministre a tout de même imposé un examen « indicatif obligatoire » pour tout étudiant désireux d'entamer des études de médecine dans une université de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sur les 1.714 étudiants qui se sont présentés en juillet 2014, 13% ont réussi avec une note de plus de 10/20 et 4% avec plus de 12/20. La note moyenne s’élève à 6,9/20 (6).

Donc 1.714 auraient pu être admis (peut-être davantage, puisqu’il y a un rattrapage de deuxième session), alors que l’on sait que quelque 15% au plus réussiront. Mais cet examen, dit le ministre, permet aux étudiants d’anticiper leurs faiblesses et ainsi éviter un échec en première année.

Ce génie se fout du monde.

Il se fait que je passais un examen chez un toubib chevronné mercredi dernier. Il était accompagné d’une stagiaire, qui terminait sa septième année d’études et qui ne savait pas comment on allait distribuer ces « certificats » qui devraient permettre aux jeunes diplômés d’exercer leur art.

Trop peu de certificats ? Non, pas du tout, mais la Communauté Wallonie-Bruxelles en a distribué trop durant les années précédentes, il faut maintenant ajuster, c’est-à-dire réduire le nombre. La Communauté Flamande, qui les a distribués correctement depuis l’existence de cette règle, a déjà fait savoir qu’il ne fallait pas compter sur elle pour faire des transferts aux francophones.

Et on pourra dire : « ils ne sont vraiment pas corrects, ces Flamands ».


(1) Marcourt opposé à l’examen d’entrée en médecine, L’Echo, 5 novembre 2014.
(2) Jean-Claude Marcourt veut un master pour les Imams, RTBF News, 6 novembre 2014.
(3) Décret Marcourt : pas de minerval, pas d’inscription à l’université, RTBF News, 7 novembre 2014.
(4) Voir le document incompréhensible du  Groupe de travail sur le financement de l’enseignement supérieur en Communauté Française réuni par l’Académie Royale de Belgique et déposé en 2011 auprès du Secrétaire Perpétuel de ladite académie. Je me suis peut être trompé en le lisant, mais vous ne ferez pas beaucoup mieux que moi. Voir
(5) Marcourt pas favorable à l’introduction d’un examen d’entrée en médecine, Le Vif, 4 novembre 2014.
(6) 13% seulement des étudiants ont réussi le test préalable aux études de médecine, La Libre, 14 juillet 2014.

1 commentaire:

  1. Très amusant mais aiussi très triste. Casamiglia et al (AER 2010) présente des mécanismes de matching des étudiants entre filières avec des expériences concrètes en Espagne et Hongrie.
    Chez nous c'est toujours tabou. Ce matin l'AGEL (syndicat des étudiants UCL est venu dans mon auditoire faire son appel annuel à la manifestation pour ne pas augmenter le minerval et rejeter toutes formes de screening ou testing. Pour info, j'ai 450 étudiants officiellement dans mon cours ecopol (Bac 1) mais en réalité depuis quelques semaines je tourne avec max 200. On a fait un teste en ligne non certificatifs à la Toussaint: taux d'échec 50% (dont 33% non tout simplement pas participé alors que le test est en ligne). Pour ceux qui ont participé, 35% ont fait le test à livre ouvert et consulté le test de l'année précédente (contraire à situation d'examen).

    Jean H

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