Victor Ginsburgh
Jean-Claude Marcourt, le ministre socialiste de l’Enseignement supérieur en
Fédération Wallonie-Bruxelles carbure beaucoup ces derniers temps, mais surtout
du chapeau.
Le 5 novembre 2014 il donne un avis péremptoire
au sujet des étudiant(e)s
en médecine qui terminent leurs études, mais dont quelques-un(e)s seulement
auront droit d’exercer leur métier (1).
Il en donne une autre en déclarant le 6 novembre (2) qu’il veut instaurer un
master interdisciplinaire pour former les Imams. L’interdisciplinarité est sans
doute destinée à permettre de recaser les médecins qui seront recalés d’exercer
après avoir réussi leurs examens de septième et dernière année.
Nouvelle intervention le 7 novembre. Suite à une règle par lui édictée, les
étudiants inscrits à l’université mais qui auraient oublié de payer 10% du
droit d’inscription officialisant ladite inscription avant le 31 octobre seront
exclus de l’université, alors que cette date était fixée au 30 novembre
jusqu’en 2013 (3). Bien entendu, ceci signifie que ces étudiants exclus ne
seront pas pris en compte dans le calcul de la subvention des universités. Une
petite économie de plus pour la communauté Bruxelles-Wallonie.
Quel génie cet homme !
Mais revenons au problème des médecins, pour autant qu’on puisse encore les
appeler ainsi, puisqu’une bonne partie de ceux qui termineront en 2015 n’auront
pas le droit de pratiquer ou plus exactement ne recevront pas le sauf-conduit
qui permettra à leurs patients d’être remboursés par les mutuelles de soins.
Chouette, encore une petite économie qui a consisté à laisser des étudiants
s’embarquer dans sept années d’études médicales, ce qui a dû coûter au bas mot la
modique somme de 10.000 euros/an en subventions publiques (4), plus l’entretien
par les parents de l’étudiant(e) pendant sept ans, qui ne mènent pas à grand
chose.
La raison dit ce Ministre Supérieur : il y a trop de médecins. Encore
faut-il le prouver et comme il ne semble pas exister de cadastre correct et
exhaustif, on ne sait pas trop.
Dans la partie flamande, les étudiants passent un examen d’entrée, ce qui
semble relever de la logique de base, et les universités acceptent le nombre
qui correspondra à peu près aux besoins futurs.
Dans la partie francophone, M. Marcourt ne veut pas de cet examen qui est
discriminatoire… Alors que les recteurs des universités y sont favorables, lui,
le ministre ne l’est pas puisque « les étudiants n’en veulent pas »
(5), ce qui est évidemment une bonne raison : il y a plus d’étudiants que
de recteurs qui votent.
Mais ce génial ministre a tout de même imposé un examen « indicatif obligatoire » pour tout étudiant désireux d'entamer des études de
médecine dans une université de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sur les 1.714
étudiants qui se sont présentés en juillet 2014, 13% ont réussi avec une note
de plus de 10/20 et 4% avec plus de 12/20. La note moyenne s’élève à 6,9/20 (6).
Donc 1.714 auraient
pu être admis (peut-être davantage, puisqu’il y a un rattrapage de deuxième
session), alors que l’on sait que quelque 15% au plus réussiront. Mais cet
examen, dit le ministre, permet aux étudiants d’anticiper leurs faiblesses et ainsi
éviter un échec en première année.
Ce génie se fout du monde.
Il se fait
que je passais un examen chez un toubib chevronné mercredi dernier. Il était
accompagné d’une stagiaire, qui terminait sa septième année d’études et qui ne
savait pas comment on allait distribuer ces « certificats » qui devraient
permettre aux jeunes diplômés d’exercer leur art.
Trop peu de
certificats ? Non, pas du tout, mais la Communauté Wallonie-Bruxelles en a
distribué trop durant les années précédentes, il faut maintenant ajuster,
c’est-à-dire réduire le nombre. La Communauté Flamande, qui les a distribués
correctement depuis l’existence de cette règle, a déjà fait savoir qu’il ne
fallait pas compter sur elle pour faire des transferts aux francophones.
Et on pourra
dire : « ils ne sont vraiment pas corrects, ces Flamands ».
(1) Marcourt opposé à l’examen
d’entrée en médecine, L’Echo, 5
novembre 2014.
(2) Jean-Claude Marcourt veut un
master pour les Imams, RTBF News, 6
novembre 2014.
(3) Décret Marcourt : pas
de minerval, pas d’inscription à l’université, RTBF News, 7 novembre 2014.
(4) Voir le document
incompréhensible du Groupe de travail sur le
financement de l’enseignement supérieur en Communauté Française réuni par
l’Académie Royale de Belgique et déposé en 2011 auprès du Secrétaire Perpétuel
de ladite académie. Je me suis peut être trompé en le lisant, mais vous ne
ferez pas beaucoup mieux que moi. Voir
(5) Marcourt pas favorable à
l’introduction d’un examen d’entrée en médecine, Le Vif, 4 novembre 2014.
(6) 13% seulement des étudiants
ont réussi le test préalable aux études de médecine, La Libre, 14 juillet 2014.
Très amusant mais aiussi très triste. Casamiglia et al (AER 2010) présente des mécanismes de matching des étudiants entre filières avec des expériences concrètes en Espagne et Hongrie.
RépondreSupprimerChez nous c'est toujours tabou. Ce matin l'AGEL (syndicat des étudiants UCL est venu dans mon auditoire faire son appel annuel à la manifestation pour ne pas augmenter le minerval et rejeter toutes formes de screening ou testing. Pour info, j'ai 450 étudiants officiellement dans mon cours ecopol (Bac 1) mais en réalité depuis quelques semaines je tourne avec max 200. On a fait un teste en ligne non certificatifs à la Toussaint: taux d'échec 50% (dont 33% non tout simplement pas participé alors que le test est en ligne). Pour ceux qui ont participé, 35% ont fait le test à livre ouvert et consulté le test de l'année précédente (contraire à situation d'examen).
Jean H