Victor Ginsburgh
La vie était belle dans la Confédération Helvétique du temps où Hitler
s’amusait à envahir l’un ou l’autre de ses voisins. Pour se protéger, relate l’écrivain
(et architecte) suisse Max Frisch (1), dans un ouvrage délicieusement rafraîchissant
sur son service militaire, la Suisse utilisait la tactique de guerre
suivante :
« tous les
panneaux indicateurs avaient été enlevés afin que l’ennemi s’égare et qu’il ne
puisse pas voir comment, à partir de tel endroit, on peut aller à Erlenbach ou
à Küssnacht. Il n’aurait même pas pu, avec sa voiture blindée, rouler jusqu’à
un kiosque pour se procurer une carte topographique ; les cartes avaient
été retirées de la vente et la population était résolue à ne donner aucun
renseignement à quelqu’un qui ne parle pas notre patois [le Schwiizerdütsch] ».
La Suisse n’a d’ailleurs pas été envahie, ce qui
est une preuve, même si elle est seulement indirecte, que c’était la bonne
tactique de la part d’un peuple qui, depuis Guillaume Tell, n’avait que des
arbalètes pour se défendre.
Il y a aussi d’autres moyens. Par exemple regarder
méchamment l’ennemi comme le suggère Andy Borowitz dans son trait humoristique
du The New Yorker (2) sous le titre (approximatif)
de « Mike Pence jette le mauvais œil sur la Corée du Nord ».
« Suite à un remarquable coup de la politique
étrangère de l’Administration Trump, la Corée du Nord a décide
d’abandonner sans condition son programme nucléaire grâce au coup d’œil méchant
que Mike Spence, le vice-président américain, a longuement jeté sur le pays
depuis la frontière sud-coréenne. ‘Toutes les options sont sur la table’
aurait-il annoncé à Kim Jong-un. Suite à cette vigoureuse harangue qui a pris
cinq à six minutes, Pyongyang a annoncé que les ambitions nucléaires du pays
étaient une chose du passé et promet que toutes les installations nucléaires
seront démantelées. En échange, auraient dit ses dirigeants, nous souhaitons que
Mike Pence cesse de nous regarder aussi méchamment. L’attaché de presse de la
Maison Blanche, Sean Spicer a immédiatement annoncé aux méchants de tous bords
qui sévissent dans le monde, que Mike Pence se postera durant quelques instants
sur leur frontière et raidira les muscles de son élégant visage pour avoir
l’air méchant. On vient d’apprendre qu’il quittait la Corée pour l’Irak où il
est supposé jeter le mauvais œil sur Daesh ».
Ce n’est donc pas du tout, l’envoi du porte-avions
Carl Vinson accompagné de quatre navires de guerre vers la mer du Japon qui a
fait peur à la Corée du Nord, comme le président Trump le faisait croire, mais
le regard noir de son vice-président. D’ailleur, en réalité, la flotte de
guerre était tranquillement en route vers l’Australie. Ce que Trump ne savait
pas. Heureusement.
(1) Frisch, Livret de service,
Genève : Editions Héros-Limite, 2013, p. 71.
(2) Andy Borowitz, North Korea
offers unconditional surrender after Mike Pence angrily squints at it, The New Yorker, April 17, 2017. Ma
traduction est très approximative.
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