Pierre Pestieau
Il est régulièrement question de la pauvreté des enfants dans la presse.
Elle est généralement nettement plus élevée que la pauvreté de l’ensemble de la
société. Elle choque l’opinion un certain temps, le temps qu’un quelconque buzz
la fasse oublier. Rappelons la manière fort imparfaite avec laquelle elle est
mesurée. Sur base d’enquêtes sur le revenu des ménages, on calcule le revenu
équivalent des membres de chaque ménage. Tout ménage ayant un revenu inférieur
à une fraction du revenu médian sera déclaré pauvre. Typiquement cette fraction
est de 60%. On prend alors l’ensemble de la population de moins de 18 ans et la
fraction de ces jeunes qui appartiennent à des ménages pauvres sera considérée
comme le taux de pauvreté parmi les enfants. Prenons une famille composée de
deux parents et de deux enfants de moins de 14 ans. Supposons que les parents aient
ensemble un revenu qui correspondrait au seuil de pauvreté. Pour une personne isolée, le seuil de
pauvreté en Belgique est de 1.083 € par mois en 2015. Partant du principe que
les membres d’un ménage partagent les charges et les dépenses, un deuxième
adulte dans un ménage se voit appliquer un facteur de 0,5 dans le calcul du
seuil de pauvreté . Cela donne un seuil de 1.625 € pour les les deux parents. Avec deux
enfants ils ont droit à des allocations familiales de 262 € par mois, ce qui
donne pour cette famille un revenu de 1.887€. Or on considère que chaque enfant
entraine des couts équivalents à 1/3 du revenu d’une personne isolée. Ce qui
veut dire que le seuil de pauvreté d’un ménage composé de deux
adultes et de deux enfants est égal à 2.274 € par mois. On le voit les allocations
familiales ne permettent pas à cette famille d’éviter de tomber sous le seuil
de pauvreté. Il me semble donc essentiel d’ajuster les allocations familiales pour
éviter cette trappe à la pauvreté. Il me semble aussi crucial de ne pas différentier
les allocations selon le nombre d’enfants. En général, elles sont plus faibles
pour le premier enfant ; d’ailleurs en France, elles sont nulles pour ce
malheureux enfant unique. La raison est que l’on veut stimuler la fécondité
mais à quel prix et avec quelle efficacité ?
Autres questions. Faut-il soumettre ces allocations à l’impôt ? Doivent-elles
être soumises à des conditions de ressources? Ces questions ne sont pas
anodines. Dans certains pays, les allocations familiales échappent à l’impôt et
à tout test de ressources. C’est le cas en Belgique et en France. Dans
d’autres, elles sont soumises à l’imposition des revenus de la famille. Dans
d’autres encore, elles sont en outre soumises à des conditions de ressources.
Chaque formule a ses avantages et ses inconvénients. Nous défendons ici l’idée
d’une allocation qui soit suffisamment généreuse pour éviter la pauvreté, qui
soit soumise à l’impôt mais à aucun test de ressources. Cette position pourrait
être défendue au nom de l’efficacité et de l’équité horizontale. Si
l’allocation était soumise à des tests de ressources, cela voudrait dire que le
taux marginal de taxation serait plus élevé pour les bas revenus que pour les
hauts revenus. En d’autre termes, travailler une heure de plus serait
d’avantage taxé pour les bas salaires. En outre avec les tests de ressources,
ce qui voudrait dire supprimer les prestations pour les hauts revenus, on
introduit une iniquité entre familles ayant les mêmes revenus mais un nombre différent
d’enfants.
Par ailleurs, en imposant les allocations familiales, on décide de
concentrer les ressources disponibles sur les familles à bas revenus, ce qui
paraît plus juste. Il est clair qu’à budget donné, on luttera plus facilement
contre la pauvreté des enfants en taxant les allocations familiales.(comment
est-ce possible de taxer et d’améliorer la pauvreté ?)
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