Pierre Pestieau
Il y a peu, j’ai eu l’occasion de faire partie d’un jury qui sélectionnait
des projets de recherche en économie. Les candidats faisaient partie du gratin
des jeunes économistes résidant dans l’Union européenne. Le jury était composé
d’universitaires de qualité venant d’Europe et des Etats Unis.
Deux spécificités m’ont frappé dès l’abord : les thématiques de
recherche et les critères de sélection. Les sujets de recherche étaient le plus
souvent très éloignés de ce que je considère être le cœur de l’économie.
Plusieurs projets portaient sur les normes, les valeurs, la guerre, la paix, les
aspirations, les règles de vote, thèmes plus proche de l’anthropologie, de la
psychologie et de la science politique que de l’économie. Le chômage, la
pauvreté et la stagnation étaient absents alors que ce sont là les problèmes
qui taraudent les sociétés européennes.
La manière dont les projets étaient choisis était aussi problématique. Dans
la mesure où les projets portaient sur de sujets variés et extérieurs à
l’économie, nous n’avions pas l’expertise qui nous aurait permis de juger de
leur originalité. Du coup, nous nous rabattions plus ou moins explicitement sur
la qualité des publications des candidats, avec un avantage net pour ce qui
dans le jargon du métier s’appelle les top
five, c’est-à-dire les 5 revues les plus prestigieuses qui sont pour
l’essentiel soit nord-américaines soit dominées par les économistes
nord-américains.
Que l’on me comprenne bien ma critique ne va pas à l’encontre de la
recherche fondamentale. La plupart des projets retenus sont appliqués et
empiriques. Elle va plutôt contre cette tendance que les économistes ont depuis
quelques années de s’intéresser à des sujets périphériques. Ceci dit je me
rends compte qu’il est difficile de cibler de manière directive les thèmes de
recherche. Ce n’est pas simple : pertinence et excellence sont sans doute
peu corrélés et c’est dommage.
Un peu affolant, cette constatation, qui rejoint certaines de mes préoccupations, mais notre grand âge et notre sérénité devrait nous éviter les affres d'un futur inconnu (par définition) et angoissant pour certains. Je pense que, dans notre métier (art ???), nous avons eu la chance de bénéficier d'un solide enseignement théorique. Le reste, c'est la formation générale, l'état d'esprit, l'expérience qui permettra d'établir d'autres façons de penser à soumettre, bien entendu, à l'épreuve de la réalité. Amitiés à vous deux. Pierre
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