Victor Ginsburgh
Après ma défense des économistes la semaine dernière, je peux tout autant
parler de leurs idées saugrenues. Un ouvrage dont le titre Idées économiques que vous pouvez oublier (1) vient me sauver, je
ne dois pas inventer. Septante (soixante-dix, pour être sûr d’être compris)
économistes y ont contribué. Chacun d’eux avait deux pages pour parler de l’idée
ancrée qu’il voulait néanmoins attaquer et montrer fausse ou ridicule. En voici
sept qui révèlent que ce petit livre d’un peu plus de 150 pages est bourré
d’idées salutaires.
Les idées viennent dans l’ordre alphabétique du nom des auteurs, ce qui
tombe bien pour le premier, Daron Acemoglu, américain d’origine turque (ou plus
exactement arménienne), professeur au MIT, auquel l’American Economic Association
a attribué en 2005 la Clark Bates Medal qui récompense chaque année le « meilleur »
économiste âgé de moins de 40 ans et en fonction aux Etats-Unis. Son titre est
« Capitalism » dont il dit qu’il a fait son chemin :
« Comment un économiste peut-il discourir sur une notion autant chargée
d’idéologie ? Pour les uns, c’est un système qui a ses racines dans les
formes les plus crues d’exploitation, d’injustice et d’inégalité. Pour les
autres, il est l’idéal de l’efficacité et du dynamisme, la meilleure recette
pour une société juste. » Le capitalisme décrit comme idéale la
concurrence pure, mais conduit à des monopoles. Il souligne l’importance de la
propriété privée du capital, et du coup, l’Egypte dictatoriale de Moubarak et
la démocratique Suède sont classées dans la même catégorie. Un grand nombre de
sociétés qui apparaissent différentes, ont les mêmes règles formelles ou
informelles d’exclusion qui avantagent les groupes politiquement puissants au
dépens des autres. Ces règles sont les mêmes dans l’économie capitaliste
mexicaine et en Corée du Nord, mais ont peu en commun avec le ‘capitalisme’
suisse. La différence entre les sociétés ‘exclusives’ ou ‘inclusives’ dépend
fondamentalement de leurs institutions politiques et pas de qui est détenteur
du capital.
Tim Besley (London School of Economics) essaie de montrer que la taille
d’un gouvernement (et la part du secteur public) n’a aucune importance :
un petit nombre de fonctionnaires n’est pas plus efficace qu’un grand nombre. Durant
le 20ème siècle, les recettes et dépenses publique sont passées de 10 à 40,
voire 50% du PIB, et les niveaux de vie ont néanmoins augmenté. Ce qui est
important, ce sont les contraintes et les « checks and balances »
qu’on peut exercer sur les pouvoirs publics (qui, depuis les quelques derniers
événements en Belgique et en France, en ont bien besoin).
Alan Blinder (Princeton University) nous propose d’oublier l’idée que plus
de choix est toujours meilleur que peu de choix. Le bien-être peut diminuer si
le nombre de choix est trop important. Des expériences ont été faites et le
démontrent presque toujours. Mais la théorie économique continue d’utiliser la
notion que la pratique montre pourtant fausse !
Richard Easterlin (University of Southern California) s’insurge contre
l’idée d’une relation positive entre croissance du PIB et croissance du
bonheur. Les crises ont le même effet sur les deux grandeurs, elles réduisent
bonheur et PIB, mais à long terme la corrélation disparaît.
Il est faux de croire et de faire croire que « payer pour la
performance » des managers, des fonctionnaires ou des chercheurs augmente
leur performance, écrit Margit Osterloh (University of Zurich). Si les chiffres
qu’on peut examiner montrent quelque chose, c’est plutôt le contraire !
Jean-Charles Rochet (University of Zurich) conteste l’idée que les marchés
sont efficients. Même les marchés financiers ne le sont pas alors que
l’hypothèse est à la base de la théorie financière. Ce qui ne veut pas dire
qu’il faut jeter aux orties cette théorie, mais qu’il faut faire un petit
effort pour réfléchir à d’autres hypothèses que celle d’efficience.
Contrairement à ce qu’on pense, être payé pour ne pas travailler réduit le
bien-être écrit Ronnie Schöb (Freie Universität Berlin). Le chômeur n’est pas
un être heureux, et l’allocation universelle ne résout pas le problème posé par
l’absence de travail.
Comme l’avaient d’ailleurs expliqué plusieurs de nos blogs récents. Ce qui
montre bien que Pierre et moi sommes de bons économistes. Enfin, une idée à
retenir !
(1) Bruno Frey and David Iselin, eds., Economic
Ideas You Should Forget, Springer, 2017.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerContrairement à ce qu’on pense, être payé pour ne pas travailler réduit le bien-être écrit Ronnie Schöb (Freie Universität Berlin) ... Dit-il quelque chose de ceux qui travaillent sans être payé?
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