Qu’il s’agisse de la retraite, de la
santé ou de l’éducation, ni les français ni les belges ne doivent opérer des
choix aussi cruciaux que les américains par exemple. Ces derniers doivent tout
au long de leur vie faire des choix importants que ce soit sur le portefeuille
d’investissement qui déterminera le montant de leurs retraites, les assurances
santé qui les couvriront plus ou moins complètement ou encore les universités
où ils enverront leurs enfants et dont le coût peut varier de 1 à 10. Jusqu’à présent,
ces choix n’avaient pas lieu d’être dans nos bons Etats providence. L’Etat y pourvoyait
et si ce n’était pas l’Etat c’était la tradition.
Il n’est dès lors pas étonnant que certains
sujets de recherches aient plus d’écho dans les pays anglo-saxons que dans des
pays où de nombreuses décisions ne relèvent pas de la responsabilité
individuelle. Un exemple qui me touche particulièrement est celui de l’âge de
la retraite. Notre seule liberté en Belgique ou en France est au mieux de
partir à la retraite anticipativement. Et encore la plupart des citoyens n’ont
pas cette liberté et doivent partir à la retraite quand leur employeur le décide.
Tout au long de sa vie, l’américain doit procéder à de délicats arbitrages. Il
peut, par exemple, trouver optimal de partir à la retraite sans pour autant
toucher une pension immédiatement, ce qui lui permet d’en augmenter le montant.
Ceci explique pourquoi la recherche sur l’alphabétisation financière ou les choix par défaut se sont développés dans les pays anglo-saxons sans peu d’écho chez nous pendant longtemps. L’idée centrale de cette démarche est que les individus font souvent des choix par manque d’information mais surtout par irrationalité, ce qui entraîne souvent des comportements où la recherche de gratification immédiate l’emporte sur celle du bien-être à long terme. Pour essayer de pallier ces comportements, les économistes recommandent d’assurer une meilleure formation financière et d’influencer les individus en leur proposant notamment un choix par défaut qui leur soit le plus souvent favorable.
C’est dans ce contexte que l’on trouve la théorie
du Nudging (ou Théorie du Paternalisme Libéral) qui a valu à
Richard Thaler son récent prix Nobel. Le nudging (littéralement coup de pouce) est
un concept des sciences du comportement selon lequel des suggestions indirectes peuvent, sans contrainte, influencer les motivations, les incitations et la prise de décision des groupes et des individus, au moins de manière aussi efficace
sinon plus efficace que des mesures plus directives.
La manifestation la plus
concrete du nudging se retrouve dans les mutiples options par défaut.
Typiquement je me souviens avoir reservé un vol sur Ryanair et par paresse ou
impatience avoir coché l’option par défaut, ce qui à ma grande surprise impliquait
une assurance annulation et la possibilité d’un bagage en soute dont je n’avais
nul besoin. L’option par défaut est en effet la solution choisie
automatiquement par un programme en l’absence d’une indication contraire
explicite de la part de l’utilisateur. C’est aussi le choix des gens pressés, distrait, ignorants, insouciants, bref de la
plupart d’entre nous. Dans le domaine de la restauration, le menu du jour par
opposition à un repas à la carte constitue une option par défaut : rapide,
prix raisonnable.
Quand une société d’assurance ou un institution financière
détermine les options par défaut, elle aura le plus souvent comme premier
objectif la maximisation de son propre profit et pas nécessairement le bien-être
de sa clientèle. C’est là que l’Etat peut intervenir en suggérant des options
par défaut qui correspondent au bien-être des individus les plus fragiles et
les moins « rationnels ». C’est cette question qu’ont étudiée Richard
Thaler et ses nombreux coauteurs au cours des dernières décennies.
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