Pierre Pestieau
Il y a quelques semaines, j’étais
invité par FMI à participer à un débat sur la taxation du patrimoine. Cette
taxe, qui n’existe plus que dans trois pays du monde industrialisé, fait parler
d’elle aux États-Unis, et donc au sein du FMI parce qu’elle est un des éléments
phare du programme de deux candidats à la nomination démocrate en vue de la
prochaine élection présidentielle. Ces deux candidats sont Bernie Sanders qui a
déjà acquis une certaine notoriété et Élisabeth Warren. Tous les deux viennent
de la Nouvelle Angleterre. Ils sont respectivement sénateurs du Vermont et du Massachussetts.
Deux économistes de Berkeley,
d’origine française, conseillent Élisabeth Warren et ont écrit un remarquable
ouvrage sur la taxation du patrimoine, qui vient d’être traduit et porte un
titre parlant : Le triomphe de l'injustice - Richesse, évasion fiscale
et démocratie, paru au Seuil, en 2020.
Les auteurs, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, qui sont proches de
Thomas Piketty, expliquent comment on est arrivé
à une situation où les milliardaires américains paient moins d’impôts, en
proportion de leurs revenus, que chacun des autres groupes sociaux. Ils
proposent dès lors de lutter contre l’explosion des inégalités par un impôt progressif
sur le patrimoine. Leur proposition a été accueillie froidement par la majorité
des économistes, même démocrates (1).
Lors de la réunion
de réflexion organisée par le FMI j’avais l’impression d’être pris dans un jeu
de dupes. A ma grande surprise, les fiscalistes qui étaient présents ne
rejetaient pas l’impôt mais de façon quasi goguenarde se rassuraient en notant
deux choses. D’abord, même si, par (mal)chance, l’un de ces démocrates était
élu, un tel impôt ne serait jamais voté par un sénat dont plus de la moitié est
composée de milliardaires. Ensuite, même si, par miracle, il était voté, il
n’aurait aucun effet sur le patrimoine des très riches étant donné qu’aux États
Unis il existe une série de dispositions parfaitement légales d’évitement d’un
tel impôt. Ce sont d’ailleurs ces dispositions qui permettent aux milliardaires
américains de payer si peu d’impôts sur les revenus du capital ou sur les
héritages.
(1) La critique la plus vocale a sans doute été celle de Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton.
Comment expliquer cette croissance rapide des disparités ? Pourquoi ne pas agir sur les causes premières au lieu de chercher à redistribuer ? Peut-on aussi identifier ces causes premières ? Et peut-on agir sur elles ?
RépondreSupprimerPour comprendre le mécanisme mystérieux qui aboutit à ce que les gens qui se font gruger votent pour ceux qui les grugent, ne faut-il pas s'intéresser aux années où la politique et l'économie ont pris le virage du toujours moins d'impôts pour les plus riches et moins de services pour les autres ? Années Reagan ? Comment ce bougre a-t-il réussi un pareil tour de force ? Etait-il très malin, avec une intuition économique hors pair ?
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