Pierre Pestieau
Je viens de faire un séjour de plus de trois semaines en Australie et
j’aimerais livrer quelques réflexions sur ce voyage. A la fois, j’ai mauvaise
conscience de faire des commentaires qui pourraient paraître désobligeants pour
des personnes hypersensibles. Après tout, j’ai été accueilli par des gens
charmants et il n’est pas séant de
déblatérer à leur sujet à peine repris le chemin du retour.
Ma première impression est que les Australiens se sentent beaucoup moins
isolés qu’ils ne l’étaient il y a un demi siècle et même il y a une dizaine
d’années, lors d’un premier séjour. Les moyens de transport sont moins chers et
nettement plus rapides mais surtout ils sentent que le centre de gravité du
monde se déplace et se rapproche d’eux. Leur politique migratoire et culturelle
est davantage tournée vers l’Asie.
Ce qui me frappe chez les Australiens d’origine européenne est leur
attachement filial à l’Angleterre. Ils partagent avec celle-ci la même reine.
C’est un attachement étrange quand on sait que les Anglais ont longtemps eu de
la condescendance, si ce n’est du mépris, à l’égard de leurs concitoyens du
Commonwealth. Me reviennent à la mémoire deux films où ce mépris tourne a
l’horreur ; les soldats australiens sont envoyés au front pour épargner
des vies anglaises ; il sont traités comme de la vulgaire chair a canon.
Le premier, un film
de 1981, intitulé Gallipoli relate la
Bataille des Dardanelles et plus exactement l’histoire de deux amis australiens
qui se retrouvent à Gallipoli, en Turquie, et y découvrent les horreurs
de la guerre. Le
second, Héros ou Salopards (Breaker
Morant), est un film australien qui date de 1980. Il narre le procès de 3 soldats australiens accusés
de meurtre mais qui surtout sont utilisés par l’état major anglais pour obtenir
un traité favorable avec les Boers.
Lors d’un dîner, par
ailleurs copieux et arrosé des meilleurs vins du pays, je demandais à mes hôtes
australiens pourquoi ils gardaient cette admiration désuète pour l’ancienne
puissance coloniale. Je reçus une réponse d’économiste. Ils m’expliquèrent que
de toutes les colonisations l’anglaise était de loin la meilleure ; elle
leur avait donné des institutions qui leur avaient permis de se développer
rapidement comme les Canadiens, les Américains et les Néo-Zélandais. L’un me
dit avec malice qu’il avait fait un cauchemar : l’Australie aurait été
achetée par Léopold II. Mais le Zimbabwe ou l’Uganda, tournent aussi au
cauchemar sans avoir eu besoin des Belges.
Avec le temps, pris
de remords et rassurés sur l’avenir, les Australiens se sentent obligés de
rendre hommage à la culture aborigène qu’ils avaient efficacement éradiquée.
C’est ainsi qu’en 2008 la première ministre travailliste a présenté, pour la première fois,
ses excuses officielles aux Aborigènes
d'Australie. A Canberra,
Melbourne et ailleurs (je parle des lieux que j’ai visités) des musées sont consacrés
à l’art aborigène. Mon étonnement fut de constater que les œuvres exposées étaient
extrêmement récentes, certainement postérieures à la quasi élimination de ce
peuple et donc réalisées dans ce qu’il faut bien appeler des réserves.
Il n’y a pas que les
Anglais qui se sont montrés cruels
envers les Australiens ; il y a aussi les pies. Je les croyais jacassières
ou voleuses ; en Australie j’ai fait l’expérience de pies rapaces, aussi
féroces que les oiseaux de Hitchcock. Elles s’attaquent particulièrement aux
cyclistes au moment de la nidification ; pour les éloigner, ceux-ci
arborent un casque hérissé de longues tiges, évoquant ainsi des personnages de
Star War.
(1)
Cette bataille fit 841 victimes australiennes. En Australie, on se rappelle la
défaite de Gallipoli comme du baptême du feu pour l'armée australienne
et la nouvelle nation qu'est l'Australie (de même pour les Néo-zélandais). Une
cérémonie se déroule chaque année à Gallipoli le 25 avril (ANZAC
Day).
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