Pierre Pestieau
Depuis plusieurs années, je fréquente
la Banque Mondiale
qui fort aimablement me prête un bureau. Comme j’ai déjà eu
l’occasion de l’écrire, la Banque Mondiale fait de la lutte contre la pauvreté
une priorité à tel point que l’on ne peut pas faire un pas sans que sur un mur,
une porte ou un plafond de son immeuble on ne lise les deux mots
incantatoires : End Poverty. Il y a de nombreux économistes qui travaillent
sur le sujet et qui se déplacent dans les pays du tiers monde pour lancer des
programmes divers de lutte contre la pauvreté. Dans les bureaux de Washington
des chercheurs de qualité étudient différentes facettes de la pauvreté, comment
la mesurer, l’expliquer et la combattre. La Banque Mondiale est sans doute le
centre de recherche qui concentre le plus de chercheurs dont les travaux sont
axés sur cette thématique. Il arrive que sous forme de boutade l’on ose
dire : que deviendraient tous ces gens si la pauvreté disparaissait du
jour au lendemain ? A mon avis le même sort que les soviétologues qui ont
fini dans l’anonymat ou sont devenus des spécialistes de la transition. Les uns
se réadapteraient à de nouveaux thèmes, par exemple les riches et leurs
angoisses, et d’autres sombreraient dans la dépression.
C’est dans cet état d’esprit que je
suis tombé récemment sur un livre au titre aguichant : L’invention de
la pauvreté (1), dont la
bande de lancement contenait précisément cette lourde interrogation :
« À quoi sert le pauvre ? Et plus particulièrement « le milliard
de pauvres qui vit avec un dollar par jour » ? Et de répondre sérieusement :
« À donner une contenance et un boulot (grassement rémunéré) pour les
haut-fonctionnaires de l'ONU, de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire
International. Tout simplement ! »
Je ne pouvais en rester la et je voulus
distinguer dans ce propos la part de caricature de celle de la réalité. C’est
ainsi que j’ai lu le roman de Tancrède Voituriez qui met en scène trois
personnages principaux : un économiste libéral de gauche, sûr de lui et de
ses méthodes, un brillant professeur et chercheur spécialiste du décompte des
poissons, et une jeune femme vietnamienne, pauvre et jolie que l’économiste a
tirée de la misère pour alléger sa conscience.
L’économiste, en qui les initiés
reconnaîtront Jeffrey Sachs, est confronté à une crise. La pauvreté n’est plus
une priorité pour les grandes organisations internationales et ce pour
plusieurs raisons. D’abord, il serait prouvé que les pays nantis ne risquent
rien à laisser perdurer ce fléau ; en d’autres termes, contrairement à ce
que l’on pensait, les pauvres ne sont pas dangereux et les risques d’une révolte
du sud contre le nord sont inexistants. Ensuite, la pauvreté semble croître
plus rapidement dans les pays aidés par l’occident que dans les pays qui telle
la Chine se passent de l’aide des pays riches. Pour surmonter la crise notre
économiste de la pauvreté va avec l’aide de l’ichtyologiste recompter les
pauvres de façons à avoir une répartition géographique des pauvres qui puissent
relancer l’intérêt des donateurs. Il retrouvera ainsi son aura mais dans
l’aventure, il se fera piquer la jeune vietnamienne qu’il vient d’épouser par
l’ichtyologiste.
(1) Tancrède
Voituriez, L’invention de la pauvreté, Paris : Grasset, 2013.
je ne saisis pas en quoi l'ichtyologie (science des poissons d'après le petit Robert, pas moi!) a à voir avec ton propos sur la pauvreté? ... qui est un problème qui me préoccupe venant de pays où celle-ci est endémique.
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