Pierre Pestieau
J’ai récemment eu l’occasion d’assister à un séminaire donné à la Banque
Mondiale par David Autor professeur d’économie au MIT sur ce que l’on pourrait
appeler l’économie politique du libre échange et plus particulièrement sur les
avantages que la Chine et les Etats Unis peuvent en tirer. L’essentiel de son
propos était de montrer que depuis plusieurs décennies la grande majorité des américains
bénéficient de la globalisation sous la forme de prix extrêmement bas pour de
nombreux produits: textiles, électroniques, jouets, … mais que le prix à payer
pour cela est la fermeture de nombreuses industries, ce qui pousse au chômage
des milliers d’Américains.
Dans une nouvelle étude Autor et al. (2016) analysent l’effet politique de
ce processus économique et en particulier, l’impact de la désindustrialisation
sur le la couleur politique des districts électoraux. Le constat est sans
appel : dans les districts particulièrement touchés par les pertes d’emploi,
les membres de la Chambre des représentants et du Senat tendent à être idéologiquement
plus extrêmes, qu’ils soient de droite ou de gauche. Avec pour conséquence un
Congrès qui est de moins en moins modéré et où il devient difficile d’aboutir à
des compromis. La campagne présidentielle illustre parfaitement cette évolution.
Avec à gauche et à droite une certaine radicalisation qui a amené Donald Trump
chez les Républicains, et qui s’est avérée tout aussi puissante chez les Démocrates
avec Bernie Sanders qui continue de damer le pion à Hillary Clinton.
Ce qui est intéressant c’est que dans les enquêtes d’opinion les Américains
sont majoritairement en faveur du libre échange ; mais cet appui tiède
disparaît totalement dans les régions sinistrées où l’on assiste au succès des candidats
les plus radicaux et surtout plus protectionnistes.
N’aurait-on pas le même phénomène en France où les gains de la globalisation
ne font pas le poids là où on a le sentiment que cette même globalisation
contribue au chômage structurel? En France comme
dans de nombreux pays, on voit les partis « modérés » doublés sur
leur droite et sur leur gauche par un électorat déboussolé.
Pour tous ces citoyens, le « Made in China » n’est plus une
aubaine mais un cauchemar et ce, d’autant plus que les
solutions souverainistes ne sont guère convaincantes.
(1)
David Autor, David Don, Gordon Hanson and Kaveh Majlesi, Importing Political Polarization?
The Electoral Consequences of Rising Trade Exposure, 2016. http://economics.mit.edu/files/11499
Ce n'est pas seulement que cela entraîne des pertes d'emplois, mais aussi que ce qui est consommé est de très mauvaise qualité, est polluant, voire toxique et a une impact environnemental désastreux. Il ne faut pas l'oublier.
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