Victor Ginsburgh
Et ce livre fait
vraiment peur. En voici quelques lignes de la page 89 :
« Deux
semaines avant les élections, le 25 octobre 2016, je prononçais une conférence
devant quatre cents cadres supérieurs de KEY2ACT, une entreprise de logiciels
de gestion de chantiers et d’équipements. Mon sujet était ‘Le moment présidentiel
: que nous réserve l’année 2016 ?’. Presque tous les membres de l’auditoire
étaient blancs et ils venaient des quatre coins du pays.
Je leur proposai
un vote à main levée. Combien d’électeurs potentiels pour Hillary ? Une
dizaine de main se levèrent. Combien pour Trump ? La moitié de l’auditoire
leva la main, deux cents personnes environ. J’étais bluffé : ça faisait
vraiment beaucoup d’électeurs de Trump. »
Le titre du livre
est Peur, Trump à la Maison Blanche (1).
L’auteur est Bob Woodward, le célèbre journaliste du Washington Post. Il avait, en compagnie de Carl Bernstein,
découvert le scandale du Watergate qui avait coûté la peau à Nixon.
Et puis, voici comment continue le récit de Woodward (extraits des pp. 90-95).
« A la fin
de la conférence, le PDG de l’entreprise vint me voir. ‘J’ai vraiment besoin de
m’asseoir un moment. Je suis sidéré. Voici plus d’un an que je travaille au
quotidien avec ces gens. Je les connais, je connais leur famille. Vous m’auriez
dit qu’ils étaient deux cents à vouloir voter pour Trump contre dix pour
Hillary, je vous aurais garanti que c’était impossible’. Moitié-moitié, ça lui
aurait paru normal, mais deux cents pour Trump, il n’en revenait pas. Il ne
savait vraiment pas comment l’expliquer, et moi non plus. »
« Dix jours
avant les élections, Trump avait perdu plusieurs points dans la plupart des
enquêtes au niveau national… »
« Moi-même,
j’avais dans l’idée d’écrire un livre sur la première année ou les deux
premières années du mandat du prochain président. Au départ, j’imaginais plutôt
que ce serait Hillary Clinton mais la conférence [que j’avais faite] m’avait
fait réfléchir. »
« Le jour du
scrutin vers 17 heures, Trump consulta les derniers sondages des urnes. Ce
n’était pas brillant. Ex aequo dans
l’Ohio et l’Iowa, neuf points d’écart en faveur d’Hillary en Pennsylvanie, sept
en Caroline du Nord [quatre Etats-clés]. »
« A 23h11,
[Trump] sut qu’il avait remporté la Caroline du Nord… celle dans l’Ohio était
annoncée à 22h36, celle en Floride à 22h50 et celle dans l’Iowa à 00h02. »
Les carottes étaient cuites (ce n’est pas dans le texte de Woodward).
« Hillary
Clinton a passé toute sa vie à se préparer en vue d’un moment pareil. Trump n’y
a pas consacré une seconde » aurait dit Steve Bannon, son principal
conseiller à l’époque.
Il faut avoir peur
des Américains et de Bannon plus que de Trump. On dit souvent que ce sont les
Américains peu éduqués du Middle West et d’ailleurs qui ont permis à Trump de
gagner l’élection. L’anecdote rapportée par Woodward concerne pourtant des personnes
sans aucun doute très éduquées qui disent qu’elles auraient voté en masse pour
Trump.
Trump finira par
partir, qu’il soit destitué ou réélu pour un deuxième terme de quatre ans, ou
pas réélu. Les Américains, et Bannon en particulier, sont encore là pour
quelques années. Cela nous réserve encore bien des surprises : en réalité,
les USA sont bourrés de Trumps et de Bannons.
Mike Pence prie |
Andy Borowitz rit |
Mais peut-être
tout n’est pas perdu et pour vous (et me) faire sourire un peu quand même,
voici une des histoires parues récemment dans le New Yorker (2) écrite par Andy Borowitz, le satiriste du
journal : « Mike Pence [le très chrétien vice-président] supplie
Jésus de venir le chercher avant que Mueller ne l’inculpe ». Ce serait
bien parce que, dit-on, Pence est pire que Trump, pas un bandit mais autre
chose… que je n’ose pas dire.
(1) Bob Woodward,
Peur. Trump à la Maison Blanche,
Paris : Seuil.
(2) Andy
Borowitz, Pence asks Jesus to rapture him up before Mueller can indict him, The New Yorker, December 7, 2018.
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