Pierre Pestieau
La communion nationale qu’a provoquée
l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de
Paris a rapidement commencé à se fissurer à
travers diverses controverses concernant les sommes colossales annoncées pour
le coût de la reconstruction de la cathédrale. Tout est parti de la
contribution des plus grandes fortunes françaises à sa reconstruction. Pour
prendre trois exemples, les familles Arnault, Bettencourt et Pinault souhaitent
donner plusieurs centaines de millions d’euros
à cet effet.
Les trois principaux sujets de polémique peuvent être résumés par trois phrase
lapidaires : « Ces milliardaires feraient mieux de payer leurs impôts
que de se faire ainsi valoir, d’autant qu’ils ne paieront qu’une infime partie
des sommes annoncées ». « Pourquoi tant de générosité pour Notre Dame
alors que des églises romanes et gothiques sans doute aussi estimables
périssent ? » « Tout cet argent pourrait être mieux employé à
résoudre les problèmes dont souffrent les gilets jaunes. ».
Dans ce blog, je me bornerai à ne traiter
que de la première controverse. Elle relève d’une doctrine dont j’ai traité
dans des blogs précédents (1) et qui a pour nom « conservatisme compassionnel ». Selon cette doctrine, de nombreuses missions actuellement
financées par l’Etat gagneraient à l’être par des contributions volontaires. A
première vue, l’idée est séduisante. Par magie, l’impôt deviendrait soudain
volontaire. On contribuerait à un ensemble de domaines que l’on choisit :
la lutte contre le cancer, les programmes d’aide aux pauvres et la rénovation
de Notre Dame pour prendre trois exemples. Est-ce une solution viable ?
Non pour deux raisons majeures. D’abord un financement par contribution
volontaire est toujours sous optimal parce que chacun joue au passager
clandestin : on compte sur l’autre pour voyager gratis. Ensuite, les
contributions volontaires ne couvrent
pas tous les domaines. On ne contribue que pour des causes que l’on trouve intéressantes.
A ces problèmes de passager
clandestin et ce manque d’universalité, s’ajoute le fait que les contributions bénéficient
souvent d’importants avantages fiscaux. Ces avantages représentent des sommes que l’Etat aurait pu
employer à des objectifs davantage prioritaires. Dans le cas qui nous
occupe, les contributions pourraient bénéficier d’une réduction d’impôt de
90% prévue par la loi de 2003 réservée aux « trésors nationaux ». On
notera en passant que l’auteur de cette loi est Jacques Aillagon, directeur
général de la collection Pinault. Pour eviter cette critique, certains
contributeurs auraient renoncé à ce que leurs dons soient
défiscalisés. A voir.
Mais même s’ils ne bénéficiaient d’aucun
avantage fiscal, ces généreux donateurs trompent l’opinion. Ils donnent une image de
personnes désintéressées, soucieuses du bien commun, alors même que leurs
activités industrielles et financières ne sont que légèrement taxées grâce aux
techniques d’optimisation fiscale qu’elles pratiquent sans vergogne. La
collectivité gagnerait à ce que plutôt que de contribuer à la reconstruction de
Notre Dame, ils s’acquittent de leurs obligations fiscales en appliquant
l’esprit et non pas nécessairement la lettre de la loi. S’ils veulent faire les
deux, pourquoi pas ?
(1) Voir par exemple
« Le nouvelles dames patronnesses », 6 décembre 2016.
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