Pierre Pestieau
Alors que la France vient
d’abandonner son impôt sur la richesse, l’ISF, les démocrates américains, à
commencer par la sénatrice Elizabeth Warren, osent prôner une fiscalité plus sévère
pour les riches, et surtout les super-riches. Longtemps les démocrates à la
Clinton, mari et femme, se sont montrés prudents en matière de hausses d’impôt
pour ne pas choquer les foyers à double revenu des grandes métropoles, leurs
électeurs traditionnels. Cela semble avoir changé. Une nouvelle génération d’élus
du Congrès, dont certains briguent la Maison-Blanche, ont pris la mesure des
criantes inégalités de richesse que connaissent les Etats Unis. Ils veulent de
ce fait introduire un impôt annuel sur les grandes fortunes. Ce revirement
s’explique aussi par un rejet de la réforme fiscale de Donald Trump qui, sans
surprise, favorise les super-riches.
La question de la pertinence d’un
impôt annuel sur la fortune s’impose donc. Commençons par les faits. Si l’on
prend les pays industrialisés, il y en avait 12 il y a une quinzaine d’années
qui avaient cet impôt, mais on n’en compte plus que trois aujourd’hui : la
Suisse, la Norvège et l’Espagne. Et il faut noter que le rendement est
extrêmement faible.
Par ailleurs, si l’on s’intéresse
au grand public, on s’aperçoit qu’à choisir, il préfère un impôt annuel du
patrimoine à une hausse des droits de succession. C’est ce que révèlent
notamment des enquêtes d’opinion aux Etats Unis et en France.
Il existe trois façons d’imposer le patrimoine. On peut taxer les revenus
du capital, on peut imposer le capital annuellement et on peut taxer les
transferts entre générations, soit les donations entre vifs, soit les legs. Ces
trois formes d’imposition ont leurs avantages et leurs défauts. Si l’objectif
est d’assurer une meilleure répartition du patrimoine au moindre coût, il
semble que l’idéal est de s’appuyer conjointement sur une imposition des
revenus du capital et sur les droits de succession. C’est en tout cas ce que
nous enseigne l’économie publique. Par moindre coût, on entend bien sur les coûts
de recouvrement de l’impôt, mais surtout les effets désincitatifs qu’il peut
avoir sur l’activité économique : baisse de l’investissement, fuite des
capitaux, etc. Cette proposition appelle une réserve. Elle sous-entend que l’on
élargisse la base de ces deux impôts afin d’éviter des iniquités horizontales,
à savoir un traitement différent de contribuables également fortunés. Un impôt
sur le patrimoine n’ajouterait rien et sa collecte serait inutilement coûteuse.
Tout cela veut-il dire qu’Emmanuel Macron a eu raison de supprimer l’ISF ?
Certainement pas. Car une mesure peut ne pas être bonne à prendre mais une fois
prise, il vaut mieux la maintenir.
Ce qui me rappelle une réflexion du regretté économiste Tony Atkinson. A
la question « Crois-tu que l’entrée
du Royaume Uni dans l’Union Européenne était une bonne décision ? »
me répondit, il y 46 ans de cela : « Non,
mais maintenant que nous y sommes, nous devons y rester. »
Dans le cas de l’ISF, il y a une symbolique pro-riche d’autant plus forte que sa suppression fut une des
premières mesures prises par le nouveau président français.
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