Pierre
Pestieau
Quoi qu’il en coûte ! Un
seul mot d’ordre : mettre le paquet pour lutter contre le coronavirus ».
Ce titre de l’éditorial du Soir du 23
mars interpelle l’économiste. On peut en effet se demander si nous dépensons trop ou pas assez pour la santé et si les évolutions actuelles sont conformes à
nos préférences collectives. Ces deux questions sont au cœur de l’actualité de
la pandémie du Covid-19. Plus concrètement, les 11,2% du PIB que représentent les dépenses
de santé en France, 10,4% en Belgique, 16,9% aux États Unis correspondent-ils à
la valeur que les Français, les Belges, les Américains accordent à la vie
humaine ?
Avant que n’éclate le
Covid-19, on trouvait normal de consacrer plus ou moins 12% du PIB à la santé.
Aujourd’hui que nous sommes au cœur de la tourmente, il est à parier que l’on
trouverait une majorité des citoyens pour lui consacrer 20 voire 30%. La menace
qui pèse sur chacun d’entre nous, riches comme pauvres semble avoir modifié la
valeur que nous accordons à la vie.
Il y a plus de dix ans,
deux auteurs américains (1) étaient arrivés à un chiffre jugé alors irréaliste.
Ils posaient la question de l’arbitrage entre dépenses de santé et dépenses de
consommation. Leur démarche était simple. Pour eux, le niveau optimal des dépenses de santé est atteint
dès que le bénéfice marginal d’une vie sauvée est égal au coût marginal d’une
vie sauvée. Tant que le bénéfice des soins est supérieur au surcroît de dépenses
dû aux soins, il est préférable de continuer à dépenser davantage pour la
santé. Ils concluaient que la part des dépenses de santé dans le PIB devrait
atteindre plus de 30 % dans le scenario le plus vraisemblable (2).
Ce
chiffre de 30% paraîtrait aujourd’hui moins choquant qu’au moment de la
parution de cet article. Cela me fait penser à une hypothétique enquête sur la capacité des
trains. En période de pointe, lorsque les voyageurs sont entassés comme des
sardines, ils seraient sans nul doute tous en faveur d’une extension
de cette capacité ; en période creuse, lorsque les voitures sont quasi
vides, les quelques passagers seraient en faveur d’une réduction radicale. On
notera à cet égard que la Chine vient de fermer 16 hôpitaux construits à la
hâte pour lutter contre le coronavirus.
Est-ce
à dire qu’une fois la pandémie rangée au rayon des vieux souvenirs, on
reviendra au niveau de dépenses de santé qui prévalait avant qu’elle ne
survienne ? Rien n’est moins sûr. Il serait prématuré d’émettre un avis
sur le sujet. Ce qui paraît certain en revanche, c’est que notre dépendance des
marchés lointains sera remise en question. On parle déjà de démondialisation de
certains échanges internationaux.
Ce qui
paraît clair, c’est que le Covid-19 est la concrétisation d’un risque très
particulier, ce qu’on appelle risque inassurable : infime probabilité de
survenance, impact généralisé, contagiosité. C’est le cas de la plupart des
pandémies qui comme la peste sont telles qu’ « ils
ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » (3). Contagiosité, risque dont la
probabilité est infime mais qui lorsqu’il survient n’épargne personne , ce
sont là les caractéristiques d’un aléa qui ne peut être couvert que par la
puissance publique. En d’autres termes, le Covid-19 est la meilleure preuve de
la nécessité de maintenir un État-providence actif et du danger de tout laisser
au marché.
(1). R. Hall and C. Jones (2007), The value of life
and the rise in health spending, The Quarterly Journal of Economics 122,
p. 39-72.
(2). Voir aussi K. Murphy and R.H. Topel (2006), The value of life and longevity, Journal
of Political Economy 114.
(3). La Fontaine (1678), Les
animaux malades de la peste.
Beste Pierre,
RépondreSupprimerHeb dit artikel graag gelezen en hopelijk ook correct geïnterpreteerd. Zie bijdrage in HIVA-Nieuwsbrief.
Jef Pacolet
https://hiva.kuleuven.be/nl/nieuws/nieuwsitems/het-covid-19-drama-in-de-ouderenzorg