jeudi 8 septembre 2022

Parole d’experts

Pierre Pestieau

Au Royaume Uni, deux rapports sur la réforme fiscale ont été publiés à 40 ans d’intervalle sous la direction de deux Prix Nobel, James Meade (1978) d’abord et James Mirrlees (2011) ensuite. Entre temps, David Bradford (1985) a aussi présenté ses propositions fiscales pour les Etats-Unis. Ces trois rapports ont été accueillis très favorablement par les spécialistes des Finances Publiques. Ils sont d’ailleurs régulièrement évoqués et cités. En dépit de leur qualité et de l’accueil quasi unanime qu’ils ont reçu, ces rapports ont été ignorés par les différents gouvernements qui les avaient pourtant sollicités.

Tout le monde s’accorde pour dire que nos régimes fiscaux devraient être radicalement reformés mais c’est justement cette radicalité qui effraie des gouvernements court-termistes. Il y a quelques mois à la demande du ministre des finances belge une série d’experts, des juristes et des économistes provenant essentiellement du monde universitaire, ont proposé un rapport sur la réforme fiscale sous la direction du Professeur Delanote. Ce rapport semble malheureusement voué à la même malédiction que ses illustres prédécesseurs. Et pourtant il mériterait un meilleur sort.

Sa principale qualité est de revenir aux fondamentaux de la politique fiscale, à savoir que pour appliquer des taux de taxation qui ne soient pas prohibitifs, il faut élargir l’assiette fiscale. Or l’assiette fiscale en Belgique est particulièrement étroite du fait de nombreux régimes spéciaux, dont le plus emblématique est celui des voitures de fonction. Autre principe fondamental, assurer un équilibre dans le traitement des revenus du travail et ceux du capital. Or la Belgique est connue pour taxer plus lourdement le travail que le capital et particulièrement le capital immobilier. Un exemple concret de ce déséquilibre réside dans la faible taxation des plus-values en Belgique, ce qui permet de s’enrichir sans jamais payer le moindre impôt.

Il est assez surprenant que des experts venant d’horizons différents aient pu s’entendre sur un ensemble de reformes qui sont économiquement cohérentes et fondamentalement progressistes. Que ce rapport aie suscité une levée de boucliers des partis de droite, quoi de plus normal. En revanche, on aurait aimé un accueil plus chaleureux des partis de gauche qui ne cessent de réclamer davantage de justice sociale. La raison est que la fiscalité est une matière assez ardue et que les reformes suggérées par le rapport Delanote sont moins attractives que l’introduction d’un impôt sur le patrimoine qui aurait un effet limité et de toutes façons n’a aucune chance de voir le jour.

1 commentaire:

  1. Bien compliqué tout cela. J'ai fait toute ma vie professionnelle dans un système "Or la Belgique est connue pour taxer plus lourdement le travail que le capital et particulièrement le capital immobilier." J'ai donc été taxé lourdement pendant ma vie professionnelle, mais le peu d'économie que j'arrivais à placer l'ont été moins.
    On voudrait à présent taxer plus le capital ! Cherchez l'erreur.

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