Pierre Pestieau
Aux États-Unis, les postes de dirigeants sont occupés de manière disproportionnée par des diplômés de quelques universités privées très sélectives, qui appartiennent à ce qu’on appelle l’Ivy-Plus (Ivy League (2) + Stanford, MIT, Duke et Chicago). Ces établissements - qui comptent actuellement beaucoup plus d'étudiants issus de familles à hauts revenus que de familles à faibles revenus - pourraient-ils accroître la diversité socio-économique des dirigeants américains en modifiant leurs politiques d'admission ? Pour étudier cette question, trois économistes (3) utilisent des données d'admission anonymes provenant de plusieurs établissements d'enseignement supérieur privés et publics, liées aux déclarations d'impôt sur le revenu et aux résultats des tests d’admission. Les enfants issus de familles appartenant au 100ème percentile ont plus de deux fois plus de chances de fréquenter une université Ivy-Plus que ceux issus de familles de la classe moyenne ayant obtenus des résultats comparables dans les tests d’admission. En revanche, les enfants issus de familles à haut revenu ne bénéficient d'aucun avantage en matière d'admission dans les grandes écoles publiques.
L'avantage des familles à revenu élevé en matière d'admission dans les établissements privés s'explique par trois facteurs : d’abord, les préférences pour les enfants d'anciens élèves; ensuite, le poids accordé aux diplômes non académiques, qui tendent à être plus importants pour les étudiants issus de lycées privés dont les parents sont aisés; et enfin le recrutement d'athlètes, qui tendent à provenir de familles à revenus élevés.
En outre, ces chercheurs montrent que le fait de fréquenter une université Ivy-Plus au lieu d’un établissement public hautement sélectif augmente de 60 % les chances des étudiants d'atteindre le 1 % supérieur de la distribution des revenus, double presque leurs chances de fréquenter une école d'études supérieures d'élite et triple leurs chances de travailler dans une entreprise prestigieuse. Ces effets sont plus faibles pour les revenus moyens que pour les revenus élevés.
En conclusion, il apparaît clairement que les universités privées hautement sélectives contribuent à renforcer la reproduction sociale, mais qu'elles pourraient diversifier les origines socio-économiques des dirigeants américains en modifiant leurs pratiques d'admission. Le feront-elles ? C’est peu probable, en dépit des discours officiels sur l’égalité des chances et la nécessité de diversité.
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