jeudi 2 mai 2024

Se tirer une balle dans le pied

Pierre Pestieau


Le retour attendu de Trump à la tête des États Unis et l’élection de Javier Milei à la présidence de l’Argentine avec 55,7% des voix posent de la manière la plus nette une question : Pourquoi les pauvres votent-ils pour des candidats qui ont annoncé des politiques directement contre leurs intérêts immédiats. En d’autres termes, pourquoi se tirent-il une balle dans le pied ? Expression d’autant plus pertinente que dans les deux cas leur favori est un adepte des armes à feu.


Pourquoi les Argentins qui vivent pour l’essentiel d’aides sociales, votent-il pour un candidat qui annonce qu’il va les supprimer ? Pourquoi les Américains les plus pauvres s’apprêtent a voter pour Trump qui lors de son précèdent mandat a procédé à des baisses d’impôts pour les plus riches et tâché de supprimer l’Obamacare qui permettait pourtant l’accès aux soins de près de 50 millions de personnes jusqu’alors privées de couverture sociale.

Une explication serait qu’en Argentine comme aux États Unis, les électeurs de ces deux tribuns sont à ce point désespérés devant l’incapacité des partis traditionnels à les sortir de la situation de crise, objective ou ressentie peu importe, dans laquelle ils se trouvent. Pour paraphraser le livre d’Angus Deaton sur les « Morts de Désespoir », ils votent de désespoir. Ce désespoir les rend sourds et aveugles à l’égard des arguments qui s’appuient sur la raison mais qui sont souvent présentés avec arrogance. On avait déjà vu ce phénomène de surdité lors du vote en faveur du Brexit lorsque les meilleurs économistes et politicologues démontraient que le Brexit serait une catastrophe, particulièrement pour la population la plus démunie du Royaume Uni. Et c’est cette population qui a voté pour le Brexit.

Pourquoi tant de gens semblent sourds à des arguments de raison ? On connaît le proverbe : « Ventre affamé n’a point d’oreilles » Bien sûr il ne s’agit pas de faim au sens littéral du mot mais sans doute de demande de respect et d’empathie de la part de ceux qui les gouvernent et qui leur font sans cesse la leçon. 


Alors qu’il y a tant de problèmes sociaux à résoudre, on est frappé de voir nos dirigeants se disputer a propos de questions sociétales, certes importantes, mais qui prennent une dimension disproportionnée. Devant ces querelles byzantines, il est difficile de ne pas penser à un évènement vieux de plus de cinq siècles. Alors que les forces turques s'apprêtaient à entrer dans la ville, les religieux byzantins étaient occupés à discuter de la question théologique du sexe des anges, facilitant la prise de Constantinople. Aujourd’hui, alors que nos démocraties sont menacées par une déferlante populiste, les bonnes âmes qui nous gouvernent se demandent s’il ne faut pas ajouter aux toilettes pour hommes et femmes des toilettes pour le sexe « autre ». Ceci n’est qu’une explication de la colère de ces populations oubliées. Il y en a bien d’autres. La corruption et l’entre-soi qui sévissent en Argentine comme aux États-Unis banalisent les accusations portées à l’encontre de ces tribuns. L’absence de perspectives peut aussi expliquer la frustration rageuse de ceux qui sont bloqués au sous-sol avec un ascenseur social en panne.

En résumé plutôt que blâmer les électeurs de Trump, Milei, Orban et autres, il faudrait commencer par procéder à une autocritique et à faire le ménage chez soi.











4 commentaires:

  1. tres pertinent. sans doute le paradoxe du siecle. Les aspects societaux prennent le dessus. Dans les annees 90, Clinton beneficiait encore de la sante insolente de son economie.

    RépondreSupprimer
  2. Tout à fait d'accord !

    RépondreSupprimer