Victor Ginsburgh
Les Chinois avaient observé depuis longtemps
l’existence d’éclipses solaires, mais pensaient qu’elles étaient dues à un
dragon invisible qui dévorait le soleil. Lorsque l’éclipse était prévue, les
autorités impériales s’y préparaient en réunissant des batteurs de tambours et
des archers. Les premiers faisaient grand bruit, les autres décochaient des
flèches vers le ciel, ce qui était censé effrayer le dragon. Et le miracle arrivait,
puisque quelques minutes plus tard, le soleil revenait.
Hélas, en l’an 2134 (ou 2136) avant J.C., les
astronomes chinois Hsi et Ho n’ont pas prévu l’éclipse solaire qui allait se
produire et l’empereur mécontent de cette faute les a fait décapiter, en dépit
du fait que le soleil se soit remis à briller.
Evidemment, la chose n’est pas pareille lors d’un
tremblement de terre, puisque les dégâts qu’il produit ne se réparent pas tout
seuls. Il est donc logique, comme l’ont fait les juges italiens après le
tremblement de terre de L’Aquila de ne pas guillotiner les géophysiciens, mais
de les condamner « simplement » à des peines de six ans de prison
pour n’avoir pas donné des informations plus précises sur un événement qui est
par essence imprévisible (1). Ceux qui ont construit des bâtiments non
conformes dans une zone réputée pour ses tremblements de terre n’ont, dieu
merci, pas été inquiétés.
Reste à punir les experts du GIEC, qui avaient mal
prévu la montée du niveau des océans. Ils parlaient il y a peu de 2mm par an,
et viennent de découvrir que c’est 3,2mm (2). Il faut les pendre illico, avant
qu’on ne s’aperçoive que c’est 5mm par an.
Voilà ce qu’est le bras de la justice.
Mais alors que les astronomes chinois se sont sans
doute trompés, et que les géophysiciens italiens et les experts du GIEC ont été
trop prudents, George W. Bush, président et Dick Cheney, vice-président ont
menti sans vergogne sur les fantomatiques armes de destruction massive, ont
provoqué la mort d’au moins 100.000 Irakiens—sans doute bien plus—et de quelque
4.500 soldats américains, auxquels s’ajoutent les blessés, les éclopés, les malades
mentaux et les centaines de soldats qui ont fini par se suicider. Mais Bush et
Cheney sont libres, retirés tous deux dans leur ranchs du Texas, en train de
rédiger leurs glorieux exploits.
Comme ont menti la plupart des directeurs de banque
qui n’ont peut-être pas tué mais ont provoqué la misère qui dure depuis cinq
ans.
Le seul qui ait dit la vérité, le seul honnête
homme de toute cette bande de requins, c’est notre ami Maurice Lippens ancien Président
du Conseil d’Administration de Fortis, retiré dans son ranch de
Knokke-le-Zoute. Lors de son audition par les enquêteurs de la police fédérale,
il a déclaré, il y a quelques semaines de cela : « Je n’ai jamais été
banquier et ma compréhension de ces matières est relativement
superficielle » (3). Ce n’est donc pas lui qui a pu mentir à tous ceux qui
ont acheté des actions Fortis, et qui se sont retrouvés le cul nu. On aimerait
quand même savoir combien il a été payé durant les 27 années (1981-2008)
passées au Conseil d’Administration de cette société dont il n’a qu’une
connaissance superficielle.
En attendant mieux, Jean-Paul Votron, Herman
Vewilst, Gilbert Mittler, Filip Dierckx, tous anciens responsables à des titres
divers dans lesquels je me perds, et, ne l’oublions pas, Maurice Lippens, ex-président
du conseil d’administration de Fortis, actuel joueur de golf au Zoute qui n’y connaît rien en
affaires bancaires, ont tous, enfin, été inculpés par le juge d’instruction (4).
Et pendant ce temps-là, Dehaene, ex-président de
Dexia, imitant en cela l’inénarrable Sarko, s’exerce paraît-il à la course à
pied dans sa belle ville de Vilvorde. On peut espérer qu’il ne perd rien pour
attendre, parce que rien ne sert de courir, il aurait fallu partir à temps.
Comme la justice d’ailleurs.
(1) Le tribunal italien a accusé les
« coupables » d’avoir donné des informations « peu précises,
incomplètes et contradictoires » une semaine avant le tremblement de
terre. Voir http://edition.cnn.com/2012/10/23/world/europe/italy-quake-scientists-guilty/index.html
(2)
RTBF, 28 novembre 2012.
(3) L’Echo, 17 novembre 2012.
(4) Agence Belga, 5 décembre 2012.
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