Victor Ginsburgh
Rien de pire que les achats qui se déposent sous le
sapin. C’est non seulement un casse-tête : Que faut-il acheter,
n’avons-nous oublié personne, cela leur plaira-t-il, le budget est dépassé, mais
tant pis, on se serrera la ceinture en janvier, février, mars et avril. Après, le
beau temps revient et on pourra réduire le chauffage.
Premier conseil donc : S’il le faut vraiment, achetez
plutôt en janvier.
D’abord, en janvier, ce sont les soldes. Et puis,
le bruit, la musique (si c’est ainsi qu’il faut appeler les chants de Noël),
les lumières clignotantes dans les branches des faux sapins des boutiques de
décembre, sont vraiment insupportables.
Sachez que c’est fait exprès. Plus il y a de bruit,
de monde et de lumière, plus vous souffrez, plus vous perdez le contrôle de
vous-même, et plus vous dépensez vite et mal. C’est en tout cas ce qu’ont
découvert des chercheurs en marketing (1) : « une stimulation plus
importante que celle qui est désirée [par exemple le bruit] a un impact positif
sur les achats impulsifs ».
Et puis, selon le New York Times (2), on vous envoie en outre des odeurs pour vous
encourager à acheter. Pour la période de Noël, les sprays de gingembre (pain d’épice)
et d’amandes (massepain) sont particulièrement recommandés.
N’achetez
en tout cas pas vos cadeaux avant Noël, mais notez qu’après Noël, ça fait un
peu minable, donc n’achetez rien du tout.
Parce que, et c’est le deuxième conseil, il faut
savoir que ceux qui reçoivent les cadeaux estiment qu’ils ne valent pas leur
prix.
Dans un court article paru en 1993, Joel Waldfogel
(3) montre que les cadeaux sont malvenus, peu appréciés. Ils sont aujourd’hui
largement revendus sur e-Bay par ceux qui les ont reçus et ont été obligés de
remercier les oncles, tantes, parents ou enfants et grands parents s’ils sont
encore là. Waldfogel se livre à deux enquêtes parmi des étudiants de Yale et
leur demande d’évaluer ce qu’a pu coûter le cadeau qu’ils ont reçu et combien
ils auraient été disposés à payer pour l’acquérir eux-mêmes. La différence
s’élève à quelque 20%. Ce qui veut dire que celui qui reçoit le cadeau l’aurait
(peut-être) peut-être acheté s’il avait coûté 20% de moins. Et ce chiffre monte
à 35% pour les cadeaux généreusement offerts par les oncles, tantes et
grands-parents.
Moralité : Surtout n’achetez pas de cadeaux et
si vous voulez quand même ne pas paraître avare, donnez en monnaies sonnantes
et trébuchantes, en drachmes par exemple, nos honnêtes banquiers prévoient que
le cours va monter. Cela vous évite tous les maux de tête évoqués plus haut, et
rend plus heureux ceux qui reçoivent, parce qu’ils peuvent en faire ce qu’ils
veulent, tout en pensant à vous.
C’est du win-win comme on dit en mauvais français. Joyeux
Noël quand même si vous croyez encore au Père du même nom.
(1) Anna
Mattila and Jochen Witz (2008), The role of store environmental
stimulation and social factors on impulse purchasing, Journal of Services Marketing 22, 562-567.
(2)
Oliver Burkeman, Suffer. Spend . Repeat, The New York Times, December 8, 2012.
(3)
Joel Waldfogel (1993), The deadweight loss of Christmas, American Economic Review 83, 1328-1336.
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