Victor Ginsburgh
Le titre vous livre tout, je n’ai plus grand-chose
à ajouter. Sauf que les détails sont évidemment un peu plus sordides.
Les firmes pharmaceutiques ne livrent plus de
médicaments à la Grèce (y compris dans des situations d’urgence telles que des
cancers) par peur de ne pas être payées mais sans doute aussi par rétorsion,
puisque le pays a décidé, pour des raisons évidentes, de privilégier les
génériques qui sont bien moins chers (1). C’est d’ailleurs ce que nous devrions
tous faire.
Et pendant ce temps-là…
Et pendant ce temps là, les banquiers se
remplissent un peu plus les poches avec les emprunts grecs. Les fonds
spéculatifs (hedge funds) avaient acheté à vil prix (12 à 13 centimes par euro
de valeur faciale) la dette grecque durant l’été 2012, en tablant sur le fait
que la Grèce pourrait quitter la zone euro et faire défaut sur sa dette
publique.
Par la suite, la Grèce s’est vue obligée de
racheter une partie de sa propre dette, mais à un prix inférieur à la valeur
faciale des obligations. Un haut responsable de la Deutsche Bank avait suggéré
à l’Union Européenne de prendre une position dure et d’utiliser un mécanisme
parfaitement légal qui aurait permis à la Grèce de racheter ses obligations à
28-30 centimes par euro de valeur faciale, ce qui aurait parfaitement fait
l’affaire des fonds spéculatifs qui avaient acheté cette dette à 12 ou 13
centimes. Une idée que l’Europe a rejetée suite aux pressions du puissant lobby
des fonds spéculatifs, ceux-là même qui avaient acheté les obligations grecques
en été. En décembre, la Grèce a racheté à ces fonds quelques 21 milliards d’obligations,
mais à un prix de plus de 33 centimes, leur permettant d’engranger des
bénéfices bien supérieurs à ce qu’ils espéraient, et ce sont une fois de plus
les citoyens européens qui auront payé la différence de quelque € 2 milliards
(2).
Et pour couronner le tout, l’ancien ministre des
finances socialiste Georges Papaconstantinou semble avoir falsifié une liste (qui
lui avait été remise par Mme Lagarde, alors qu’elle était encore ministre en
France) de plus de 2 000 détenteurs de comptes grecs en Suisse, en ôtant les
noms de quatre de ses proches cousins et leurs conjoints.
Et qui de toute cette bande, industriels,
banquiers, ministres a été arrêté ? Le journaliste grec Kostas Vaxevanis,
parce qu’il avait publié en octobre 2012 la liste « Lagarde » (3).
Tous des salauds ces journalistes !
(1)
RTBF, 26 décembre 2012, http://www.rtbf.be/info/monde/detail_grece-penurie-de-medicaments-strategie-des-compagnies-pharmaceutiques?id=7898323
(2) Voir
Landon Thomas, Buying back Greek debt rewarded hedge funds, The New York Times, December 23, 2012. http://www.nytimes.com/2012/12/24/business/global/greek-bond-buyback-may-have-been-cheaper-under-collective-action-clause.html?pagewanted=all
(3)
Alain Salles, Un journaliste grec victime de la liste Lagarde, Le Monde, 29 novembre 2012.
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