jeudi 31 janvier 2013

Inconnu à cette adresse


Pierre Pestieau

Nous savons tous que nos états ne font pas toujours le meilleur usage de notre argent. Il existe de nombreuses études mesurant l’efficacité des services publics dans des cas particuliers, par exemple, les transports urbains, ou les agences d’emploi. La question à mille euros est comment mesurer et comparer l’efficacité de nos états. Pour des raisons diverses, cette tâche est délicate. Il y a la difficulté due à l’agrégation et celle d’appréhender tous les facteurs mis en œuvre pour permettre aux états de remplir leurs missions. Pour prendre un seul exemple, juger de la performance d’un état dans les domaines de la santé et de l’éducation en ne considérant que les seules dépenses privées et publiques et faisant abstraction de la culture familiale ambiante, du climat et de la localisation ne peut mener qu’à des résultats sans beaucoup de pertinence. Cela n’empêche pas d’aucuns de procéder à cet exercice le plus souvent pour blâmer les états pour leur inefficacité.

Il y a peu, quatre économistes (1) apparemment sérieux ont abordé le problème d’une manière encore plus cavalière que de coutume. Leur objectif : mesurer l’efficacité de la chose publique dans 159 pays, excusez du peu. Le truc : envoyer dans ces pays une dizaine de lettres à des adresses inexistantes avec l’adresse de l’expéditeur américain bien en évidence. La conjecture : les pays efficaces sont ceux qui renverront ces lettes dans le plus bref délai avec la fameuse mention « Inconnu à cette adresse », par ailleurs titre d’un petit roman qu’il faut avoir lu avant de mourir (2). Par ricochet, les pays inefficaces seront ceux qui ne les réexpédieront pas ou seulement quelques-unes et ce avec des délais hors limite. Résultats : 16 pays, pour la plupart africains plus le Tadjikistan, le Cambodge et la Russie, n’ont réexpédié aucune lettre ; 60% des lettres ont été retournées à leur expéditeur avec un retard moyen de plus de six mois. Seul 21 pays ont renvoyé les dix lettres ; on compte parmi eux le Canada, la Norvège, l’Allemagne, le Japon, l’Uruguay, les Barbade et l’Algérie. Quatre pays les ont renvoyées endéans les trois mois : les Etats Unis, la Tchéquie, le Luxembourg et le Salvador.  Seuls pays qui méritent de figurer au tableau d’honneur.

J’en reste là ; je ne ferai pas l’injure au lecteur de relever toutes les raisons pour lesquelles l’indicateur ainsi développé n’a rien avoir avec une mesure de l’efficacité du secteur public dont nous aimerions disposer. Tout au plus nous renseigne-t-il sur les pratiques des services postaux de différents pays à l’égard de courriers expédiés à des adresses inexistantes par une société américaine. Je n’utiliserais certainement pas cet indicateur pour juger de la performance des services postaux, a fortiori pour évaluer l’efficacité de l’ensemble des services publics concernés.


(1) Alberto Chong, Rafael La Porta, Florencio Lopez-de-Silanes, et Andrei Shleifer (2012), Letter Grading Government Efficiency, NBER Working Paper No. 18268.
(2) Inconnu à cette adresse est un livre de Kathrine Kressmann Taylor, écrit sous le nom de Kressmann Taylor et il publié pour la première fois dans sa version intégrale dans Story Magazine en 1938 aux États-Unis

1 commentaire:

  1. Comment trouver tout les tableaux qu'il y a dans le livre ? Besoin d'aide Pour un devoir si vous avez trouvé envoyé moi un message a cette
    adresse ---> Astarossdrow@gmail.com Mercie d'avance.

    RépondreSupprimer