mercredi 20 mars 2013

Contes animaliers


Victor Ginsburgh

Quand j’étais enfant, je lisais des contes d’animaux, qui en Allemand, portaient le bien joli nom de Tiermärchen. Et les contes l’étaient aussi, je veux dire, jolis. Les temps ont bien changé pour les animaux, à propos desquels je viens de lire trois informations surprenantes.

Une étude portant sur une espèce d’hirondelle (cliff swallows) durant trente années montre que le nombre de celles écrasées sur les routes du Nebraska a diminué de 80 pourcent, alors que la population a doublé durant la même période. Les biologistes qui ont observé ce phénomène se sont aperçus que les ailes de celles qui survivaient avaient diminué de quelques millimètres, ce qui leur permettait de décoller et tourner plus rapidement, évitant ainsi les véhicules (qui pourtant roulent bien moins vite aux Etats-Unis que chez nous). Mais que par contre les hirondelles mortes sur les routes avaient, en moyenne, des ailes plus longues de 4 mm, ce qui leur donnait moins d’aisance. Les biologistes en charge de l’étude en ont conclu que l’environnement urbain « incitait » les oiseaux à répondre à des menaces locales et permettait à ceux qui évoluaient « dans le bon sens » de survivre mieux, ce que prévoyait déjà la théorie darwinienne. La surprise ici, c’est que l’évolution puisse se faire en un temps aussi court (1).

Au Japon, les coqs chantent « ko-ke-koh-koh ». En anglais c’est « cock-a-doodle-doo » et comme nous le savons tous, chez nous c’est « cocorico ». Que se passe-t-il si l’on déménage un coq d’Angleterre au Japon ? Va-t-il changer de nationalité et s’époumoner en japonais ou continuer, comme tout bon patriote britannique, à chanter en anglais ? Jusqu’ici, on ne savait pas trop si le coq chantait parce qu’il voit l’aube arriver, ou parce qu’il a une horloge interne. Des chercheurs japonais ont enfermé un groupe de coqs dans une chambre insonorisée dans laquelle on pouvait régler la luminosité. L’expérience a consisté à laisser ces charmantes bêtes dans la lumière pendant 12 heures et dans l’obscurité pendant 12 heures d’une part, et dans la lumière pendant 24 heures, de l’autre. Dans cette deuxième expérience, on a constaté que les coqs se réveillaient, comme les autres, à l’aube japonaise, en dépit du fait qu’ils étaient exposés à la lumière pendant 24 heures. C’est donc leur horloge interne qui fonctionnait, mais le conte ne dit pas si la langue dans laquelle ils se sont mis à chanter a changé (2).

Des petites communautés unicellulaires très actives habitent à 11 Km sous le niveau de la mer, dans la fosse des Mariannes (Pacifique Nord). Ces « bestioles » survivent à une température de près de zéro degré, et sont soumises à une pression atmosphérique de mille fois celle que nous subissons sur ce qui reste de la terre, près de 8 tonnes par pouce carré (6, 5 cm carrés) (3). 

On pourrait peut-être envisager d’y envoyer les grands banquiers de ce monde, et pas seulement ceux de Chypre. Stephen Hester de la Royal Bank of Scotland est un bon exemple. Il vient de recevoir un bonus de £ 700.000 pour la bonne gestion de sa banque qui a perdu £ 5 milliards en 2012 (4).

£ 700.000 devrait être suffisant pour qu’il puisse s’acheter un sous-marin et tenir définitivement compagnie, accompagné de ses nombreux congénères, aux unicellulaires qui s’ébrouent à 11 Km de fond. Et mettre sous pression ses arrogants collègues banquiers, non ?

(1) The Australian, 19 mars 2013, p. 4.
(2) The Australian, 19 mars 2013, p. 11.
(3) The Australian, 19 mars 2013, p. 3.
(4) The Guardian, 7 mars 2013. Voir http://www.guardian.co.uk/business/stephen-hester

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