Victor Ginsburgh
Quand j’étais enfant, je lisais des contes
d’animaux, qui en Allemand, portaient le bien joli nom de Tiermärchen. Et les contes l’étaient aussi, je veux dire, jolis.
Les temps ont bien changé pour les animaux, à propos desquels
je viens de lire trois informations surprenantes.
Une étude portant sur une espèce d’hirondelle
(cliff swallows) durant trente années montre que le nombre de celles écrasées
sur les routes du Nebraska a diminué de 80 pourcent, alors que la population a
doublé durant la même période. Les biologistes qui ont observé ce phénomène se
sont aperçus que les ailes de celles qui survivaient avaient diminué de
quelques millimètres, ce qui leur permettait de décoller et tourner plus
rapidement, évitant ainsi les véhicules (qui pourtant roulent bien moins vite aux
Etats-Unis que chez nous). Mais que par contre les hirondelles mortes sur les
routes avaient, en moyenne, des ailes plus longues de 4 mm, ce qui leur donnait
moins d’aisance. Les biologistes en charge de l’étude en ont conclu que
l’environnement urbain « incitait » les oiseaux à répondre à des
menaces locales et permettait à ceux qui évoluaient « dans le bon
sens » de survivre mieux, ce que prévoyait déjà la théorie darwinienne. La
surprise ici, c’est que l’évolution puisse se faire en un temps aussi court (1).
Au Japon, les coqs chantent
« ko-ke-koh-koh ». En anglais c’est « cock-a-doodle-doo »
et comme nous le savons tous, chez nous c’est « cocorico ». Que se
passe-t-il si l’on déménage un coq d’Angleterre au Japon ? Va-t-il changer
de nationalité et s’époumoner en japonais ou continuer, comme tout bon patriote
britannique, à chanter en anglais ? Jusqu’ici, on ne savait pas trop si le
coq chantait parce qu’il voit l’aube arriver, ou parce qu’il a une horloge
interne. Des chercheurs japonais ont enfermé un groupe de coqs dans une chambre
insonorisée dans laquelle on pouvait régler la luminosité. L’expérience a
consisté à laisser ces charmantes bêtes dans la lumière pendant 12 heures et
dans l’obscurité pendant 12 heures d’une part, et dans la lumière pendant 24
heures, de l’autre. Dans cette deuxième expérience, on a constaté que les coqs
se réveillaient, comme les autres, à l’aube japonaise, en dépit du fait qu’ils
étaient exposés à la lumière pendant 24 heures. C’est donc leur horloge interne
qui fonctionnait, mais le conte ne dit pas si la langue dans laquelle ils se
sont mis à chanter a changé (2).
Des petites communautés unicellulaires très actives
habitent à 11 Km sous le niveau de la mer, dans la fosse des Mariannes
(Pacifique Nord). Ces « bestioles » survivent à une température de
près de zéro degré, et sont soumises à une pression atmosphérique de mille fois
celle que nous subissons sur ce qui reste de la terre, près de 8 tonnes par
pouce carré (6, 5 cm carrés) (3).
On pourrait peut-être envisager d’y envoyer les grands
banquiers de ce monde, et pas seulement ceux de Chypre. Stephen Hester de la
Royal Bank of Scotland est un bon exemple. Il vient de recevoir un bonus de £
700.000 pour la bonne gestion de sa banque qui a perdu £ 5 milliards en 2012
(4).
£ 700.000 devrait être suffisant pour qu’il puisse s’acheter
un sous-marin et tenir définitivement compagnie, accompagné de ses nombreux
congénères, aux unicellulaires qui s’ébrouent à 11 Km de fond. Et mettre sous
pression ses arrogants collègues banquiers, non ?
(1) The Australian, 19 mars 2013, p. 4.
(2) The Australian, 19 mars 2013, p. 11.
(3) The Australian, 19 mars 2013, p. 3.
(4) The Guardian, 7 mars 2013. Voir http://www.guardian.co.uk/business/stephen-hester
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