Pierre Pestieau
On peut ne jamais avoir lu un livre et pourtant y
penser souvent. C’est le cas d’un livre intitulé The Best écrit par Peter Passell un de mes amis étudiants d’il y a
plus de 40 ans (1). Il y
est question de ce qu’il y a de mieux dans chaque consommation : chaussures,
vins, hôtels, romans… Fameux programme. Je me souviens d’un tour de France
gastronomique qu’il avait fait grâce à ses piges pour le New York Times. Il en était revenu avec la liste des meilleurs
vins, entrées, plats, fromages, desserts qu’il avait dégustés. Je me demandais
s’il avait pris le temps de voir ce qu’il y a de mieux en France : ses
paysages et son architecture. Depuis il a fait une belle carrière de
journaliste et j’imagine que la vie lui a appris que le mieux est l’ennemi du
bien.
Mais
pourquoi parler de ce livre que je n’ai jamais lu ? Parce qu’il ne se
passe pas une semaine sans qu’un ami, un parent, un inconnu ne me dise avec
fierté qu’il sait où trouver les meilleurs macarons du monde, le neurochirurgien
le plus compétent, le garagiste le plus astucieux et l’investisseur le plus futé.
Très souvent on vous cite un médecin, un conseiller fiscal, un agent immobilier
dont vous savez pertinemment qu’il n’a pas très bonne réputation mais vous
n’avez pas le cœur de contredire votre interlocuteur enthousiaste. Après tout,
la confiance que l’on a dans un praticien est essentielle à la réussite de son
intervention.
Se
persuader que le gâteau que l’on offre vient de la meilleure pâtisserie ou que
le spécialiste que l’on consulte est le meilleur de la ville voire du pays,
pourquoi pas ? Cela donne le moral et souvent ce type d’information est
invérifiable. Et pourtant…
Je
distinguerais quand même le pâtissier et le chirurgien. Le mois dernier, le Nouvel Observateur publiait le classement
des meilleurs hôpitaux français par spécialités. De tels classements
foisonnent aujourd’hui et leur qualité semble s’améliorer. Que faire si un de
vos amis va se faire opérer pour un pontage dans l’hôpital qui est en queue de
liste ? Le lui dire en espérant qu’il peut encore en changer ? Ne
rien dire en étant conscient que sa foi dans la capacité du chirurgien qui va
procéder à l’intervention est ce qui compte ? Délicat dilemme que vous ne
connaîtriez sans doute pas s’il s’agissait de macarons ou de chocolats.
(1) Il semblerait que ce livre ne soit plus diffusé que
par une maison d’édition japonaise : Peter Passell, The Best. A Discerning Selection for the Quality Obsessed, Viking
Penquin Inc./ through Japan UNI Agency, 1987.
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