Victor Ginsburgh
Je viens de lire un article (1) qui relate la chute
du fort romain dénommé « la Pompei du désert syrien » du côté de Dura
Europos (en Mésopotamie, aujourd’hui en Syrie) en 256 de notre ère (2). On y a
trouvé 19 tombes de Romains qui ne sont pas morts par le glaive ou le feu mais
ont été gazés par des attaquants Sassanides.
Et ce n’est pas la première fois que des produits
toxiques sont utilisés ni dans la région, ni ailleurs. En 590 av. J.-C. les
Phocéens de Kirra (une cité qui contrôlait la route entre le Golfe de Corinthe
et Delphes) ont vu leur eau potable empoisonnée par des ennemis qui ont utilisé
de l’hellébore, dite rose de Noël, comme c’est joli, mais c’est aussi un
purgatif puissant. Durant la guerre du Péloponnèse, les Spartiates ont utilisé
des gaz toxiques en brûlant du sulfure.
Au 4ème siècle av. J. C., les archers indiens qui
affrontaient Alexandre le Grand trempaient les pointes de leurs flèches dans du
venin de cobra et en Inde comme en Chine, la fumée était utilisée pour déloger
les ennemis. Au 15ème siècle, Léonard de Vinci a pensé à des bombes explosives
contenant de l’arsenic et du sulfure.
Effets des 80 millions de litres d'agent orange au Vietnam |
Et on connaît la suite qui n’a fait qu’embellir.
Quelque 125.000 tonnes de gaz chimiques ont été utilisés durant la guerre 1914-1918.
Sans oublier le Zyklon B d’Auschwitz ou les 80 millions de litres d’agent
orange (un inoffensif défoliant) déversés sur le Vietnam par les Etats-Unis
entre 1961 et 1971.
Que celui qui n’a pas son petit stock de gaz toxique lève le petit doigt. Mais il ne faudra pas s’étonner si la France, la
Russie, les Etats-Unis, ou Israël qui demandent la destruction des stocks
syriens ne lèvent pas le leur quand on leur posera la question. A ce jour, 189
Etats ont signé ou adhéré à la Chemical Weapons Convention (3) qui interdit la
production, le stockage et l’utilisation d’armes chimiques. Quatre pays (l’Angola,
l’Egypte, la Corée du Nord et le Sud Soudan) ne l’ont pas signée et deux pays
l’ont signée mais ne l’ont pas ratifiée : le Myanmar et Israël.
Et ceux du gaz sarin en Syrie |
Je ne suis pas expert en armes, encore moins en
armes chimiques et je déteste toutes les armes quelles qu’elles soient et
d’où qu’elles viennent. Pas seulement les syriennes. Le mal banalisé chez soi : on suit, comme le
dit Hannah Arendt, ses propres règles en restant aveugle à leurs conséquences
morales. Pas seulement en Syrie.
(1) Simon
James, Stratagems, Combat and chemical warfare in the siege mines of
Dura-Europos, American Journal of
Archeology 115 (2011), 69-101.
(2) Des
équipes belges (de l’Université Libre de Bruxelles) et françaises ont participé
aux fouilles dans la région, et notamment à Apamée depuis les années 1930.
(4) Barak Ravid, Report: Netanyahou urged U.S. to accept Russian
deal on Syria’s chemical arms, Haaretz,
September 16, 2013.
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