jeudi 5 septembre 2013

Le rat des villes et le rat des champs


Victor Ginsburgh

Puisque mon collègue blogueur fait référence à des fables dans son blog, je m’y mets aussi. Voici, celle du rat des villes et du rat des champs de La Fontaine :

Autrefois le rat des villes
Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.

Mais la ville est peu pratique, la dinette s’est trouvée interrompue par des gêneurs et le lendemain le rat des champs invitait son homonyme des villes:  

- C'est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;

Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre!

Hélas, depuis le temps de La Fontaine, les champs sont devenus des villes.

Des chercheurs américains se sont posé la question de savoir si les animaux de ville, qui sont soumis à bien des tracas—voitures, pesticides (encore que la campagne n’en soit, aujourd’hui, guère exempte), chiens, chats et humains—seraient plus malins que leurs cousins de la campagne. Ces chercheurs ont analysé les crânes d’une dizaine d’espèces de petits rongeurs (souris, musaraignes, chauves-souris, écureuils spermophiles, c’est bien leur nom) et ont comparé les crânes qui dataient d’il y a cent ans à ceux des mêmes bestioles vivant aujourd’hui dans des lieux qui, à l’époque, étaient inhabités. Ils ont établi que pour six des dix espèces examinées, les crânes (et donc les cervelles) des animaux actuels avaient augmenté de six pour cent par rapport à ceux des rongeurs qui vivaient paisiblement dans ce qu’étaient les forêts et les prairies il y a cent ans.  

Et concluent que ces mignons petits rongeurs ont dû apprendre à survivre à la vie trépidante de nos campagnes devenues cités et que le darwinisme qu’ils (les rongeurs) étudient à l’école ou durant leurs moments perdus, leur a appris à devenir plus malins (1).

Par contre, des enquêtes menées en 1982 ont montré que 44% des Américains croyaient que Dieu avait créé les humains dans la forme qu’ils ont actuellement. Trente ans plus tard, ce pourcentage est passé à … 46% ! Le créationnisme qui était un courant mineur jusqu’à la bonne moitié du 20e siècle est aujourd’hui enseigné un peu partout aux Etats-Unis et s’appelle « science de la création » (2).

Il me faut comme La Fontaine terminer par une morale : N’est pas toujours con celui que l’on croyait. Il en est dont la cervelle augmente, mais il en est aussi d’autres.


 (1) Carl Zimmer, As humans change landscape, brais of some animals change, too, The New York Times, August 22, 2013 http://www.nytimes.com/2013/08/22/science/as-humans-change-landscape-brains-of-some-animals-change-too.html?_r=0
(2) Adam Frank, Welcome to the age of denial, The New York Times, August 21, 2013, http://www.nytimes.com/2013/08/22/opinion/welcome-to-the-age-of-denial.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire