Victor Ginsburgh (1)
Oh les beaux jours, comme disait Beckett (1). Oh, parce
que les jours à venir n’étaient pas aussi beaux
que ce qui est suggéré par le
titre. En effet, le Beaujolais nouveau est là, imbuvable comme d’habitude et la
rentrée littéraire aussi. Personne n’a, mieux que Julien Gracq, décrit
« ce spectacle turlupinesque : des jockeys de Grand Prix en train de
chevaucher des limaces ».
Je propose de changer ces mauvaises habitudes et de
donner les prix les plus prestigieux (je sais ils le sont tous, donc les choix
sont difficiles) aux grands écrivains suivants (ils le sont aussi tous, et
c’est tout aussi difficile):
Je propose de changer ces mauvaises
habitudes et de donner les prix les plus prestigieux (je sais ils le sont tous,
donc les choix sont difficiles) aux grands écrivains suivants (ils le sont
aussi tous, et c’est tout aussi difficile):
Bernard-H. Lévy. : une guerre en
Lybie en 2011, zéro livre vendu en 2012 ; il faut absolument l’aider, sans
quoi il est capable de proposer de procéder à des frappes ciblées sur la
Belgique, c’est plus facile que sur la Syrie ;
Marc Lévy : 1,6 millions
d’exemplaires en 2010, faut lui donner sa chance, il n’a jamais eu de
prix ; et si on le donne à Bernard-H., pourquoi pas à Marc ; ils se
battent pour les mêmes causes et sont tous les deux de très grands
philosophes nouveaux, comme le Beaujolais ;
Alain (le) Minc(e) : Son œuvre,
majeure, il faut le reconnaître, a été hors compétition en 2010, 2011 et 2012
pour plagiat ; il est temps de cesser de l’ostraciser ;
Jacques Tattali : Sans
commentaire, mais je l’aime bien ;
Amélie N. : D’origine belge, je ne
sais pas pourquoi il faudrait lui donner un prix, ni pourquoi pas ;
Eric-Emmanuel Schtt : Auteur de Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent, Albin Michel, 2010 ; il a
raison, y a beaucoup de crétins dans le monde, mais pas lui ; y a qu’à
lire la critique que fait Eric Chevillard (3) des Perroquets de la Place d’Arezzo, dernière œuvre
d’Eric-Emmanuel : « 730 pages vendues avec le vent qui les tournera pour vous, seul mérite
incontestable de ce livre, car alors votre majeur restera disponible pour
gratter de l'ongle votre front dubitatif, tourmenté par cette unique et
terrible question – comment se peut-il que les romans de ce faiseur malfaisant [c’est moi qui mets
des italiques] rencontrent à ce point la faveur du public ? … Eric-Emmanuel Schmitt n’a sur toute chose que des idées
éminemment respectables et même parfaitement ennuyeuses [écrites] dans une langue monotone et mollassonne ».
Guillaume Musso : J’écris son nom
en entier, parce que personne ne le connaît, alors qu’il a vendu 1,1 millions
d’exemplaires en 2010 ; il mérite ne fût-ce qu’un dernier prix, juste avant l’après-dernier attribué à Eric-Emmanuel,
ou vice-versa ;
Catherine de Médicis : Epouse
d’Henri II, célèbre pour ses cabinets de poisons ; on en aurait bien
besoin ;
Et j’allais oublier K. (oui K pas C)
Katherine de Pancol : 1,4 millions d’exemplaires en 2010 ; elle écrit
sur son iPad des lettres dont on dit qu’elles sont aussi belles que celles de
Mme de Sévigné, que j’avoue ne pas avoir lues. Donc ceux qui le disent de K. ont
peut-être raison : il y d’ailleurs a eu d’autres K. célèbres, peu reconnus
de leur vivant. Pourquoi pas K. de C.
Et pourquoi pas moi? Il est vrai que je
n’écris pas de romans. Mais il y a, rien qu’en France, 2 000 prix littéraires,
dont 70 décernés par la sainte Académie Française (4). Ce qui fait un peu plus
d’un prix pour 8 romans publiés, diable (5). J’ai donc mes chances, vous aussi
d’ailleurs. Un écho à Lewis Carroll qui faisait dire au Dodo d’Alice au Pays des Merveilles que « chacun
a gagné et tous doivent recevoir des récompenses ».
Dans La bibliothèque, la nuit, Alberto Manguel (6) explique qu’à Lyon,
« à la fin du premier siècle, une loi rigoureuse exigeait qu’après chaque
concours littéraire, les perdants [étaient] contraints d’effacer avec leurs
langues leurs tentatives poétiques, afin que ne subsiste aucune littérature de
deuxième ordre ». Aujourd’hui, il devrait en être ainsi de ceux qui
obtiennent les prix. Ils doivent d’ailleurs bien connaître ce qu’est la lèche.
Je vous servirai le même blog à la même époque en 2014. Et j’offre une
bouteille de Beaujolais nouveau 2013 à qui s’en rendra compte, parce que le
2014 ne sera en rien différent du 2013.
(1) Ce texte a paru sous une forme un peu
différente dans La Libre du 12 septembre
2013.
(2) Julien Gracq, La
littérature à l’estomac, Paris : José Corti, 1950, p. 15
(3) Eric Chevillard, Vélin bouffi, Le Monde des Livres, 6 septembre 2013.
(4) Le Monde, 7 septembre 2010,
p. 21. Hélas, Le Monde (tu quoque) vient aussi d’inaugurer un
prix littéraire !
(5) 65.000 nouveaux livres sont publiés chaque année en France, dont un
quart environ (16.000) sont des « romans ». Voir http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-60386
(6) Alberto Manguel, La
bibliothèque, la nuit, Paris : Babel, 2006, p. 80.
Je ferais, pour ma part, une exception en faveur du petit ouvrage de Laura Alcoba paru fin août chez Gallimard et intitulé "Le bleu des abeilles".
RépondreSupprimerPas nécessairement parce qu'il est court, lisible, qu'il évoque brièvement la vie des abeilles romancée par Maeterlinck mais surtout parce qu'il y est question du difficile apprentissage d'une langue étrangère lorsque l' on débarque à douze ans comme réfugiée argentine dans la banlieue parisienne.
Rien ne nous est épargné des souffrances et humiliations liées à cet apprentissage.
Et nous en Belgique, on peut comprendre ce problème.
Non peut-être.