Pierre Pestieau
Le titre de ce blog ne concerne pas un
quelconque coup dans un combat naval mais une réflexion que je me suis faite
lors d’un tout récent voyage au Vietnam. Une des étapes de ce voyage comportait
une excursion à My
Son. Il s’agit d’un ancien site archéologique Cham, un peuple connu
pour son attachement à l’hindouisme et ses monuments religieux. Les Chams ont
occupé ce site pendant neuf siècles, du VIIIème au XVème siècle puis ils
l’abandonnèrent en raison du déclin du peuple Cham. On compare parfois le site de My Son aux temples d’Angkor au Cambodge mais la comparaison est malaisée dans
la mesure où les plus beaux éléments de My
Son et notamment la section répertoriée comme A1 ont été détruits par les bombardiers
B57 américains en 1969. Les Américains pensaient que les Viêtcongs se cachaient
à l’intérieur. Ce qui n’était pas le cas d’après nos guides, qui affichaient pourtant
des sentiments pro-américains clairs. Mais là n’est pas la question.
Ce n’est pas la première fois qu’une œuvre appartenant au patrimoine de
l’humanité est détruite par la guerre. Et ce n’est pas la dernière fois. Par la
guerre mais aussi par les révolutions, les invasions et le colonialisme. On
pense à ces mosquées qui furent rasées pour laisser place à des églises quand
ce ne fut pas l’inverse, à ces Bouddhas géants abattus par les talibans ou aux
œuvres arrachées de leur site d’origine pour être exposées au Louvre ou au
British Museum (1). La question que je me posais est celle de la motivation des
pilotes qui larguaient leurs bombes de très haut pour éviter la DCA et surtout
des autorités qui les commandaient. Savaient-ils que ces temples
existaient ? Dans l’affirmative, l’idée d’une destruction irréversible les
a-t-elle fait hésiter ou encouragés ? On a écrit que l’objet des
bombardements américains au Vietnam n’était pas de viser des cibles militaires
ni même d’atteindre les troupes ennemies, mais simplement de terroriser la
population pour la conduire à la reddition. Au cours de cette guerre, on
trouvait dans les
communiqués de presse les deux termes "bodycount",
le comptage des pertes amies et ennemies, et "kill ratio", le rapport entre les deux. Durant toute la durée
du conflit, les combattants américains parviendront à maintenir un kill ratio assez constant d'un sur huit
à un sur douze. C'est-à-dire que pour chaque soldat américain tombé au combat,
entre huit et douze Viêtcongs ou Nord-Vietnamiens sont tués, sans compter le
nombre de prisonniers capturés. Comme on le sait cela ne suffit pas à
décourager le peuple vietnamien. Je ne sais pas à combien de vies vietnamiennes
les stratèges américains ont évalué la destruction de la section A1 de My Son.
(1) Ce sujet est revenu sur le devant de la scène à l’occasion de la sortie du
film Monuments Men au
Festival de Berlin. Ce film réalisé par Georges Clooney est consacré
au pillage d'œuvres d'art par les nazis et au travail des alliés pour les
récupérer. Un journaliste grec a demandé à
Clooney s'il pensait que les antiquités grecques exposées dans les musées
étrangers, et notamment les frises du Parthénon conservées au British Museum,
devaient être rendues à Athènes. "Oui, ce serait une bonne idée,
vous avez le droit de votre côté", a simplement répondu l'acteur.
En moins de quinze mots, il s'est attiré un élan de reconnaissance au pied de
l'Acropole et une volée de critiques de Londres et Paris.
Excelente reseña, Pierre, y las consideraciones. Abrazo. Bernardo.
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