Victor Ginsburgh
On se rappellera sans aucun doute que la crise financière de 2007 a débuté
par la crise des prêts
hypothécaires dans l’immobilier américain en 2006-2007. A peu près n’importe
qui pouvait emprunter près de 100% (et parfois plus) du prix de son futur
logement, même si tout le monde savait que cela conduirait inévitablement à des
défauts de remboursement des hypothèques. Pas grave, les banques prêteuses ont
émis des titres représentant ces dettes (les initiés parlent de titrisation et
de subprimes) qui ont été revendus à travers le monde, dans de jolis petits
paquets emballés dans du papier non transparent (les mêmes initiés parlent de
produits dérivés, il faudrait plutôt dire à la dérive). Et puis ce qui devait arriver arriva,
les emprunts n’ont pas pu être remboursés avec pour conséquence que les
soi-disant propriétaires ont été éjectés de leur logement et que la valeur de
ces titres est tombée à presque rien.
Tout cela est bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que cela recommence,
mais autrement. Les banques « titrisent » les dettes des anciens
propriétaires délogés, et vendent ces titres à des investisseurs. Et les investisseurs—fonds d’investissement,
mais aussi des plombiers ou des dentistes, dit l’article du New York Times qui raconte l’histoire (1)—se
pressent au portillon et les tranches se vendent comme des petits pains. Le
marché pourrait s’élever à $1500 milliards…
Jusqu’ici, le marché immobilier de location était dominé par des
propriétaires de quelques immeubles, maisons ou appartements. Wall Street a
compris qu’il y avait pas mal de beurre dans l’affaire. Des génies qui ne
manquent jamais d’idées.
Le problème est que les acheteurs de ces actifs peuvent eux aussi emprunter
jusqu’à 75% auprès des banques, alors que la norme est 60%. La Banque Fédérale
(ainsi que certains députés) ont sonné l’alarme : si les nouveaux
propriétaires de ces biens s’endettent trop, cela peut conduire à des ventes
forcées, et ce qui s’est passé en 2006-2007 recommence. Une des sociétés
propriétaires (American Homes for Rent) possède 21.000 habitations dispersées
dans 22 des 50 états américains, et s’est largement endettée dans l’aventure.
Mais les titres qu’elle a émis pour ce faire il y a quatre mois ont déjà
augmenté de 17%. Youpee.
Cela risque de nous concerner très bientôt en Europe. Une société, Deal
500, vient de voir le jour en Belgique et sera opérationnelle en février. Elle
annonce que « grâce au crowdfunding
[c’est le nom qui est donné à ce genre de chose], on peut devenir propriétaire
à partir de 2000 ou 3000 euros » (2).
P. S. La banque américaine JPMorgan Chase verse une amende de $1,45
milliards pour mettre fin à des poursuites pour harcèlement sexuel (3). Dans
des maisons dont les propriétaires ont été expulsés?
(1) Michael Corkery, Wall
Steet’s new housing Bonanza, New York
Times, January 29, 2014, http://dealbook.nytimes.com/2014/01/29/wall-streets-new-housing-bonanza/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20140130
(2) Le crowdfunding immobilier débarque en Belgique, La
Libre.be, 31 janvier 2014.
(3) RTBF Info, 5
février 2014. Voir http://www.rtbf.be/info/economie/detail_harcelement-sexuel-jpmorgan-paie-1-45-milliard-pour-etouffer-l-affaire?id=8192873&hkey=a9c9a320b703a62ba4d1405f41a17f85
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