Pierre
Pestieau
Après avoir sauvé le
soldat Ryan (1), faut-il sauver BELSPO? Pour les non initiés l’acronyme BELSPO n’évoque sans doute
rien, certainement pas la recherche scientifique. Et pourtant c’est de cela
qu’il s’agit. BELSPO est un organisme gouvernemental belge responsable de la coordination des politiques
scientifiques au niveau fédéral. Il définit et met en œuvre les programmes et
réseaux de recherche et gère la participation de la Belgique dans les
organisations de recherche européennes et internationales. Son existence est menacée par le processus de décentralisation que connaît
la Belgique depuis de nombreuses années, mais aussi par le souci que le
gouvernement a de faire des économies tous azimuts.
La communauté
scientifique essaie de résister à cette menace, notamment en adressant aux
responsables fédéraux une pétition dont un des intitulés n’est rien moins que « Vers un meurtre avec
préméditation ».
Naturellement
j’ai signé cette pétition et je suis sur que Victor Ginsburgh (2) a fait de
même. Cela ne m’empêche pas de m’interroger sur le bienfondé de cette
résistance des chercheurs, plus forte au sud qu’au nord du pays. Pourquoi
s’opposer à la création de deux organismes, un flamand et un francophone ?
Si en effet
cette réforme avait pour but essentiel de réduire l’argent consacré à la
recherche scientifique, il y aurait motif à résistance. Et si ce n’était pas le
cas ?
Une des
contributions de BELSPO qui est souvent rappelée est de permettre aux
chercheurs flamands et francophones de se retrouver dans des projets communs.
Certes, mais ce type de collaboration pourrait exister et existe en dehors de
BELSPO. En outre on pourrait reprocher à BELSPO de parfois donner lieu à des
équipes dont le seul mérite est d’être linguistiquement différentiées. On
notera en passant que la même critique s’adresse aux réseaux européens. Pour
augmenter ses chances d’obtenir une subvention, on accueille une série de
maillons faibles dont le seul mérite est d’assurer au réseau une diversité
prioritaire aux yeux de nos excellences européennes.
Du côté
francophone une crainte que l’on peut avoir est que nos gouvernements régionaux
et communautaires ne maintiennent pas l’enveloppe budgétaire consacrée
actuellement à la recherche francophone. Deux raisons à cela, la région est
moins riche et sa gouvernance est moins portée sur la recherche. C’est
l’argument défendu par de nombreux « belgicains » francophones: la
gouvernance fédérale serait meilleure que la gouvernance régionale ou
communautaire.
Enfin il y a
l’argument économique. Quel est le bon niveau de pouvoir pour financer et
organiser la recherche ? Ce n’est pas nécessairement la région, ni
d’ailleurs la fédération. Pour la recherche fondamentale, l’Europe s’impose. En
revanche, il y a toute une série de thématiques qui aujourd’hui pour des
raisons de capacité financière ne sont couvertes qu’au nord du pays alors
qu’elles intéressent l’ensemble. On pense à la santé, aux inégalités et aux
retraites. La recherche fondamentale est un bien public mondial ; la
recherche appliquée peut parfois porter sur des questions géographiquement
limités. En d’autres termes, idéalement, le niveau optimal de gouvernement
devrait dépendre de la nature de la recherche. C’est un des principes du
fédéralisme fiscal.
(1) Il faut sauver le soldat Ryan (Saving Private Ryan) est un film
de guerre américain réalisé par Steven
Spielberg, sorti en 1998.
(2) Oui,
bien sûr, dit-il.
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