Chat (toile de grand format) |
Victor Ginsburgh
Un musée pour un chat ? Pas pour n’importe lequel, ni pour celui du
Rabbin (de Joann Sfar), ni pour celui de Perse, mais pour celui de Geluck.
Au lendemain des fusillades à Verviers, et une semaine après celles de
Paris, je viens de lire (1) que Joëlle Milquet, Ministre de la Cul-ture [avec
un Q majuscule] en Fédération Wallonie-Bruxelles, a rencontré le papa du Chat
[avec C majuscule dans le texte] « pour discuter de l’éventuelle
installation d’un musée du Chat à Bruxelles pour y déposer notamment les toiles
de grand formats ». L’auteur du chat demande très modestement 1500 à 2000
mètres carrés à proximité de la Grand-Place « en contrepartie de quoi [il]
prendra à sa charge tous les frais d’installation du musée et embauchera le
personnel nécessaire à son exploitation, soit quelque 30 équivalents temps
plein ». On se demande ce qu’ils feront, mais ça résout en tout cas le
problème du chômage à Bruxelles.
Je n’ai rien contre le dessinateur, ni contre son succès, mais je ne
regardais jamais ses dessins. Pour me dédouaner, j’ajouterai que je ne lisais
jamais non plus Charlie Hebdo (auquel
je vais m’abonner). Il n’y a donc rien de discourtois dans ce que j’écris. Je lis
par contre, pas très souvent je le reconnais, Le Canard Enchaîné dont l’humour et l’humeur me vont beaucoup
mieux.
Ce qui me trouble le plus, c’est ce que dit le député Olivier Maroy,
exhortant Joëlle Milquet à « se montrer plus efficace que ses prédécesseurs
qui ont laissé pourrir le dossier [Geluck, je suppose] ». « Par le
passé », ajoute-t-il, « et à maintes reprises nous avons vu une
partie de notre patrimoine filer ailleurs. Ce fut le cas pour Schuiten, des
planches de Jacobs [Blake et Mortimer] ou encore de Franquin. On se doit de réagir
et vite ».
Je m’attendais quand même à ce que soit ajoutée dans cette liste d’oublis la
collection incomparable d’art conceptuel de Daled, exposée il y a quelques années
à Munich, qu’aucune huile belge, ni cul-turelle, ni politique n’est allée
visiter, et que les Daled ont fini par vendre au Moma de New York. Un des
curateurs du musée était évidemment venu à Munich et le directeur considère que
la collection est « une des acquisitions les plus importantes de l’histoire du musée ». Et
pourtant, sauf erreur, la collection Daled ne comptait pas de bandes dessinées,
mais pas mal de Broodthaers, un des artistes belges les plus connus à l’étranger,
sans compter des Buren, On Kawara, Sol LeWitt, Vito Acconci et bien d’autres
que la Belgique « a laissé filer ailleurs » comme dit si bien le député.
Je me complais à imaginer que pas plus la Ministre de la Cul-ture, que le député
MR ont jamais entendu parler de ces artistes. Il y en a un, par contre, qui
sait ce que sont le Moma et le Guggenheim, c’est l’ancien Ministre Président du
Gouvernement de la Région Bruxelles Capitale, Rudi Vervoort qui avait annoncé
en mai 2014, que « nous aurons notre MoMa, notre Guggenheim… 16.000 mètres carrés d’art
moderne et contemporain, avec entre autres, Picasso, Bacon, Dali, Miro… nous
avons de l’ambition » (2), mais, ai-je envie d’ajouter, pas de quoi exposer
dans un Musée d’Art Contemporain digne de ce nom (même quand il n’est pas
fermé).
La
cul-ture ne se porte décidément pas bien en Belgique. Il n’y a pas que l’Opéra
de la Monnaie qui souffre.
P.S. Un
texte très proche de celui-ci a été publié par l’Echo le 21 janvier 2015. Au Q majuscule près qui représentait la
première lettre de Cul-ture, qui a été sucré par le journal.
(1) Bruxelles en quête d’un
lieu pour héberger son plus célèbre chat, L’Echo,
16 janvier 2015.
(2) Voir mon blog du 15 mai 2014 sur www.thebingbangblog.be
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