mercredi 21 janvier 2015

Morale, pragmatisme et comptes nationaux

Pierre Pestieau

L'institut européen de la statistique, Eurostat, vient de
sommer les Etats-membres d’intégrer les activités illégales créatrices de richesses (trafic de drogue, prostitution) dans les statistiques nationales, estimant qu'il s'agit de transactions commerciales consenties librement. Ces normes ont créé la polémique dans plusieurs pays, polémique qui est allée dans tous les sens.

Il y a d’abord la réaction des pays vertueux, qui se réjouissaient de voir les pays du sud tels que l’Italie ou la Grèce forcés d’accroitre massivement leur production nationale et donc de les voir augmenter leur contributions au financement de l’Europe. Il y a ensuite les nombreuses personnes, journalistes et hommes politiques, qui avec des airs indignés ont déclaré que suivre Eurostat revient à banaliser le crime, la drogue et la prostitution. Il y aussi ceux qui fantasment sur l’importance macroéconomique de ces activités et qui s’attendent de voir l’Italie ou l’Espagne devenir subitement plus riche que la France ou le Royaume Uni.


La France a ainsi refusé de comptabiliser la prostitution estimant qu'elle n'était pas « une activité commerciale librement consentie », même si elle donnait lieu à des rentrées fiscales et des contrôles sanitaires et policiers. Ceci dit, la France, comme tous les autres pays, a toujours procédé à un réajustement de son PIB pour tenir compte des activités souterraines, légales ou non. Pour 2010, seule année pour laquelle l'Institut national de la statistique (INE)  accepte de fournir des chiffres « à titre exceptionnel », les activités illégales ont représenté 0,87% du PIB. Parmi elles, la prostitution a compté pour 0,35% de l'activité du pays et le trafic de drogue pour 0,5% du PIB. Les 0,02% restants sont dus à la contrebande de tabac et aux paris clandestins.


Tant que ces activités resteront illégales leur évaluation sera impossible et on pourra écrire tout et n’importe quoi sur leurs effets et leur importance économiques. Voilà un argument supplémentaire pour les légaliser selon le proverbe chinois (inventé sur le champ) : autorise ce que tu ne peux interdire.

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