Pierre Pestieau
L'institut européen de la statistique, Eurostat, vient de
sommer les
Etats-membres d’intégrer les activités illégales créatrices de richesses
(trafic de drogue, prostitution) dans les statistiques nationales, estimant
qu'il s'agit de transactions commerciales consenties librement. Ces normes ont
créé la polémique dans plusieurs pays, polémique qui est allée dans tous les
sens.
Il y a d’abord la réaction des pays vertueux, qui se réjouissaient de voir
les pays du sud tels que l’Italie ou la Grèce forcés d’accroitre massivement
leur production nationale et donc de les voir augmenter leur contributions au
financement de l’Europe. Il y a ensuite les nombreuses personnes, journalistes
et hommes politiques, qui avec des airs indignés ont déclaré que suivre Eurostat
revient à banaliser le crime, la drogue et la prostitution. Il y aussi ceux qui
fantasment sur l’importance macroéconomique de ces activités et qui s’attendent
de voir l’Italie ou l’Espagne devenir subitement plus riche que la France ou le
Royaume Uni.
La France a ainsi refusé de comptabiliser la prostitution estimant qu'elle
n'était pas « une activité commerciale librement consentie », même si
elle donnait lieu à des rentrées fiscales et des contrôles sanitaires et policiers.
Ceci dit, la France, comme tous les autres pays, a toujours procédé à un réajustement
de son PIB pour tenir compte des activités souterraines, légales ou non. Pour
2010, seule année pour laquelle l'Institut national de la statistique
(INE) accepte de fournir des
chiffres « à titre exceptionnel », les activités illégales ont
représenté 0,87% du PIB. Parmi elles, la prostitution a compté pour 0,35% de
l'activité du pays et le trafic de drogue pour 0,5% du PIB. Les 0,02% restants
sont dus à la contrebande de tabac et aux paris clandestins.
Tant que ces activités resteront illégales leur évaluation sera impossible
et on pourra écrire tout et n’importe quoi sur leurs effets et leur importance
économiques. Voilà un argument supplémentaire pour les légaliser selon le
proverbe chinois (inventé sur le champ) : autorise
ce que tu ne peux interdire.
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