Pierre Pestieau
L’autre jour, dans un séminaire consacré au vieillissement démographique,
j’ai été frappé par le fait que les 3 pays souffrant le plus de ce phénomène étaient
ceux qui avaient perdu la dernière guerre mondiale, à savoir le Japon,
l’Allemagne et l’Italie. Cela remonte à 70 ans. Y aurait-il une relation entre
la défaite et l’effondrement de la fécondité, car c’est de cela qu’il
s’agit ? A vrai dire je n’en sais trop rien.
Le vieillissement au Japon est particulièrement
dramatique. Une des raisons est que la baisse de fécondité s’y accompagne d’un
allongement de la vie impressionnant. La proportion des personnes de plus de 65
ans représente aujourd’hui un quart de la population. En 2035, cette proportion
sera d’un tiers. Les plus de 75 ans représenteront alors 20% de la population.
Le Japon qui paraît si serein quand on le visite connaît des statistiques
uniques et alarmantes: une dette publique de près de 250% du PIB et des dépenses
de retraite qui consomment 13% de ce même PIB au prix d’un des plus faibles
taux de remplacement qui soient et d’un âge de cessation d’activité le plus élevé
parmi les pays membres de l’OCDE.
Une explication pour la baisse de fécondité de l’après guerre immédiate est
le manque d’hommes. Beaucoup ne sont pas revenus de la guerre ou sont revenus
en piteux état. Une autre raison serait l’effet démobilisateur de la défaite.
Enfin, j’ai trouvé pour le Japon une troisième raison qui aurait à voir avec le
pouvoir des idées (1). Il semble que dans les décennies 50 et 60 le Japon ait
été fortement influencé par un ouvrage de Coale and Hoover (à ne pas confondre avec le peu
recommandable J. Edgar Hoover) qui défendaient l’idée d’une basse fécondité
pour stimuler le développement (2). Selon Coale, un démographe célèbre, un
faible nombre d’enfants permettrait de consacrer davantage de ressources à l’investissement
et à l’éducation supérieure. Ce courant d’idées déjà favorisé par l’occupant américain
a conduit le Japon à réduire sa fécondité avec les conséquences que l’on
connaît aujourd’hui. Pourquoi cette idée percola si efficacement au Japon et
pas dans les autres pays asiatiques est sans doute dû à la défaite.
Deux remarques à ce sujet. La baisse de
fécondité s’est produite sans coercition, ce qui plusieurs décennies plus tard ne
fut pas le cas de la Chine avec sa politique d’un seul enfant par famille. Le
point de vue de Coale est diamétralement opposé de celui d’Albert Sauvy qui lui,
au contraire, voyait dans la fécondité la source de la croissance économique.
(3)
(2)
Coale, Ansley J., and Edgar M. Hoover (1958). Population Growth and Economic
Development in Low Income Countries. Princeton: Princeton University Press.
(3)
Voir mon blog du 25 mars « Le vieillissement ».
Ça n'est qu'une hypothèse mais il me semble que le Japon et l'Italie sont deux pays très peu perméables à l'immigration. Ce qui pourrait en partie expliquer ce vieillissement de leur population. Il est aussi cocasse de noter que ces 3 pays ont pour réputation d'être parmi les plus xénophobes de la planète.
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