Victor Ginsburgh
A la vérité, il n’y aurait pas à s’étonner que le
temps lance son sablier au visage d’un pareil larron (Georg Lichtenberg, Pensées)
Le plus grand clown français de tous les temps, Bernard-Henri Levy, s’est
une fois de plus (c’est la huitième) fait entarter en Belgique par l’immortel Noël
Godin (et s’il n’est pas immortel, Dieu devrait lui accorder ce privilège, en
tout cas tant que BHL est vivant).
C’est si bon de parler de temps à autre de ce grand BHL
qui finira bien par
se retrouver au Panthéon. Mais contrairement à Marc-Antoine (1), je ne suis pas
là pour inhumer le grand Bernard, mais pour le louer des paroles magnifiques
qu’il a prononcées pendant et après son dernier entartage. Il était venu pour
parler de Baudelaire avec l’artiste Jan Fabre. Au moment de l’événement, il discourait
sur Georges Bataille, en anglais (2). Si vous ne comprenez pas ce qu’il voulait
dire, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas parce que vous ne comprenez pas
l’anglais, c’est parce que l’orateur n’avait rien à dire.
Le Maître Déguisé en Crème Chantilly et son Garde du Corps |
Et c’est loin d’être sa seule gloire. Il prend la défense de tous les
peuples (sauf du peuple palestinien) et a sauvé le peuple libyen par une guerre
qu’il appelait « juste ».
Il fait du cinéma. Son film Le jour et
la nuit obtient la
note de 2,4/10 sur IMDb (4). Chabrol le considère comme
« le film le plus con de l’année » (5). Les Cahiers du Cinéma l’ont qualifié « du plus mauvais film
français depuis des décennies » et Libération
en parle comme d’un « navet certifié » (6). Le cinéaste serbe Kusturica
a déclaré au
micro de France
2 avoir
repris sa carrière après la projection du film : « J'ai changé d'avis
en voyant les dommages que Bernard-Henri Lévy pouvait causer au monde du
cinéma. Je me suis dit, tu dois y retourner, tu ne peux pas laisser faire ça »
(6).
Tournage de Le Jour et la Nuit. Le Maître et Arielle |
Néanmoins, BHL est d’une élégance rare. Sa sensibilité d’homme de gauche,
ses chemises échancrées à bas prix et son poitrail garni de poils noirs. Si ses
cheveux commencent à grisonner, ce n’est pas sous le poids du travail non
accompli. Il n’en a pas vraiment besoin : son père était un richissime
esclavagiste exploitant des coupes de bois en Côte d’Ivoire (7). Et il cause si
bien. Lors de son premier entartement, et alors que Godin était maintenu au
sol, il lui a crié « Lève-toi ! Lève-toi
vite, ou je t’écrase la gueule à coups de talon ! »
Et ce qui a si bien commencé avec une pensée de Georg Lichtenberg, peut
aisément se terminer par cette autre : « Ce n’est pas la force de son
esprit mais celle du vent qui a élevé cet homme ».
PS. Je vous conseille de voir ce qui arrive à son vieil ami, Alain Finkielkraut, cet autre « nouveau philosophe » de la même époque sur le site
http://www.legorafi.fr/2015/05/29/lorganisme-humain-peut-supporter-pres-de-trente-minutes-de-discussion-avec-alain-finkielkraut/
PS. Je vous conseille de voir ce qui arrive à son vieil ami, Alain Finkielkraut, cet autre « nouveau philosophe » de la même époque sur le site
http://www.legorafi.fr/2015/05/29/lorganisme-humain-peut-supporter-pres-de-trente-minutes-de-discussion-avec-alain-finkielkraut/
(1) « Je viens pour inhumer César, non pour le louer.
Le mal que font les hommes vit après eux ; le bien est souvent enterré avec
leurs os ». (Shakespeare, Jules
César, Discours de Marc-Antoine, Acte 3, scène 2).
(3) Jean-Baptiste
Botul, La Vie sexuelle d'Emmanuel Kant, édition
critique établie par Frédéric Pagès, Paris: Mille et une nuits, coll. La Petite Collection, 1999.
(5)
Le Figaro du 15 janvier 2002.
(7) Voir
Nicolas Beau et Olivier Toscer, Une
imposture française, Paris: Les Arènes, 2006. Les deux auteurs sont
journalistes, le premier au Canard
Enchaîné et le second au Nouvel
Observateur.
Ce billet aussi, sur le même sujet : http://rue89.nouvelobs.com/2015/06/02/bhl-entarte-irrepressible-peu-honteuse-jubilation-259492
RépondreSupprimermais pourquoi ça me fait autant plaisir de lire ça? (ainsi que le truc sur Finkelkraut?). Je crois qu'il faut que ce soit Victor Ginsburgh qui l'écrive pour qu'on sache que ce n'est pas déformé (voire, carrément censuré!).
RépondreSupprimerL'entartage, c'était drôle la première fois. Après, ça devient du harcèlement. Et s'en prendre à BHL est d'une rare lâcheté; je vois mal Godin inquiéter Dieudonné - qui le mérite bien plus -, vu son service de sécurité.
RépondreSupprimerEnfin, Finkielkraut ne donne mal à la tête qu'aux gens qui peinent à réfléchir, constituant hélas la triste majorité.