Victor Ginsburgh
Ce matin, La Libre a publié côte
à côte deux articles sur la situation en Palestine-Israël. Sur la page de
gauche, un article de M. Guigui, Grand Rabbin de Bruxelles, sur la page de
droite, mon article. C’est un hasard qui tombe bien pour moi, parce qu’il sera
lu, sans doute à peu près autant que celui de M. Guigui.
L’article du Rabbin est intitulé « Si je t’oublie Jérusalem.. »
et contient les intertitres suivants :
« Une récente résolution de l’Unesco vise à effacer toute légitimité
historique, géographique et géopolitique à l’Etat juif. Opposons-nous à cette
falsification de l’histoire. Il existe des procédures d’annulation de
résolution onusienne » et
« Pourquoi n’a-t-on pas entendu la voix de nos frères chrétiens
dénoncer cette atteinte honteuse à l’histoire juive et chrétienne ?
Pourquoi le Souverain pontife est-il resté étrangement muet ? ».
Mon article s’intitule « Un prix Nobel entre Afrique du Sud et
Jérusalem » ; il est accompagné des intertitres suivants :
« En Afrique du Sud, un homme, Frédéric de Klerk, s’est levé contre la
ségrégation. En Israël, un homme, Benjamin Netanyahou, vient de nommer un
extrémiste au poste de ministre de la Défense »
et
« 1948-1991 : Quarante-trois ans de massacres et de terreur
exercée par les Blancs sur les Noirs. 1967-2016 : quarante-neuf ans
d’occupation et de terreur exercée par le Juifs sur les Arabes de Palestine et
d’Israël ».
***
Le très grand écrivain et prix Nobel de Littérature J. M. Coetzee a été un
des invités du Festival Palestinien de Littérature qui s’est tenu à Ramallah,
Palestine du 21 au 26 mai 2016. Voici ce qu’il déclaré aux participants lors de
la clôture dudit festival :
« Je suis né et j’ai grandi en Afrique du Sud.
On me demande naturellement ce que je vois de l’Afrique du Sud dans la
situation en Palestine. Je n’ai jamais trouvé productif d’utiliser le mot apartheid pour décrire la manière dont
les choses se passent ici. C’est comme utiliser le mot génocide pour décrire ce
qui s’est passé en Turquie dans les années 1920. Utiliser le mot apartheid nous détourne du sujet comme
s’il s’agissait d’une simple dispute sémantique (1), et nous enlève l’opportunité
d’analyser correctement la situation.
« [En Afrique du Sud] l’apartheid était un système de ségrégation forcée, basée sur la race
ou l’ethnicité, mise en place par un groupe exclusif et auto proclamé dans le
but de consolider la conquête
coloniale et, plus particulièrement, pour cimenter son emprise sur les terres
et les ressources naturelles.
« A Jérusalem, et en Cisjordanie — pour ne
parler que de Jérusalem et de la Cisjordanie — nous voyons un système de
ségrégation forcée, basée sur la religion ou l’ethnicité, mise en place par un
groupe exclusif et auto proclamé dans le but de consolider la conquête coloniale et, plus
particulièrement, pour maintenir et accroître son pouvoir sur les terres et les
ressources naturelles.
« Tirez-en vous même les conclusions ».
Ce n’est pas seulement aux participants du Festival, ni aux seuls
Palestiniens que J. M. Coetzee a dit cela, c’est à nous tous : Il n’y a
aucune différence entre ce qui s’est passé en Afrique du Sud et ce qui se passe
en Palestine.
En Afrique du Sud, un homme, Frédéric de Klerk, s’est levé en 1989 et a
permis d’abolir en 1991 les lois qui, en 1948, avaient conceptualisé et introduit
la ségrégation entre Noirs et Blancs.
En Israël, un homme, Benjamin Netanyahou, vient de nommer en 2016 au poste
de ministre de la défense l’extrémiste de droite Avigdor Lieberman. Celui-ci
s’empresse de proposer que la peine de mort puisse être appliquée aux
terroristes arabes de Palestine ou d’Israël, mais pas aux terroristes juifs
qui, eux, sont relâchés de prison.
1967-2016 : 49 ans d’occupation et de terreur exercée par le Juifs sur
les Arabes de Palestine ou d’Israël.
Tirez-en, vous même les conclusions. Et agissez.
(1) J. M. Coetzee a dit « into the inflamed semantic wrangle » que j’ai traduit par « simple dispute sémantique ».
Il me suggère de traduire sa pensée par « une dispute coléreuse sur la semantique ».
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