jeudi 20 octobre 2016

Bernie, Bob et Hillary

Victor Ginsburgh

Bob Dylan et les Obama
Pour autant qu’il s’en soit aperçu, Donald Trump ne doit pas être très heureux du prix Nobel décerné à un vrai homme de gauche, troubadour lettré et poète de notre temps (1), et qui l’a été sans relâche jusqu’ici. Il n’est d’ailleurs pas exclu que la Fondation Nobel ait fait un pied de nez au monde et aux Etats-Unis en particulier, pour illustrer que la gauche existe encore, même si elle vieillit et que Bob Dylan et Bernie Sanders en sont peut-être le dernier signe.

En tout cas Hillary Clinton n’en est pas un de signe, s’il faut en croire un récent article paru dans Newsweek (2), qui commence par faire référence à un marché dans lequel elle est entrée en 1978. Elle a investi $1.000 dans des « marchés futurs » de viande sur pied, et en est, peu après, sortie avec un petit pactole de $98.541 soit plus de 98 fois sa mise initiale et s’en est vantée dans une conférence faite à la Bourse de NY en 2013. George Soros, le grand spécialiste du marché des matières premières aurait fait à l’époque un gain du 22%. Un doute sérieux plane sur la manière dont elle a réalisé cette performance, mais rien n’a pu être prouvé contre elle (3). Il n’empêche que selon un article paru dans une revue de finance (4), la probabilité qu’elle ait pu faire un tel gain est approximativement de 1 sur 31.000 milliards, autant dire zéro.

Hillary Clinton et Lloyd Blankfein, Président de Goldman Sachs
Pour un futur président probable dont la tâche principale sera de remettre un peu d’ordre dans la distribution des revenus, il y a comme une légère contradiction en se faisant payer, en 2013, $675.000 pour trois conférences dans le grand lieu de la culture américaine contemporaine, la banque Goldman Sachs. Elle y expliquait notamment quelle ne s’était toujours pas fait d’opinion sur le fait que la classe ouvrière avait oui ou non sa part dans l’enrichissement général des Américains. Et se donnait en exemple comme personne née dans la classe moyenne qui a bien réussi. Donc, pourquoi s’occuper des pauvres. « Je ne prends position sur aucune politique, mais ne pense pas qu’il existe aujourd’hui dans notre pays une anxiété croissante sur la possibilité que les dés sont pipés ». Elle admet assez ouvertement qu’elle a deux faces et ne dit pas la même chose dans ses discours privés et bien rémunérés (voir plus haut) et où elle parle, sans doute à mots à peine couverts, de ce qu’elle pense réellement, et ses discours publics réservés aux grandes foules pas très munies, pour ne pas dire, démunies, qu’elle veut convaincre de voter « démocrate ».

Dans une conférence que Hillary Clinton fait chez Goldman Sachs en octobre 2013 et à la Deutsche Bank en 2014, elle explique aussi que critiquer les grandes banques pour la crise de 2008 « est une simplification énorme, mais c’est ce qu’on prétend (‘it was the conventional wisdom’). Vous devez nous aider à comprendre ce qui est arrivé et nous assurer de faire correctement les choses la prochaine fois » parce que la reforme financière doit venir des institutions financières elles-mêmes et « vous êtes ceux qui sont les plus intelligents » (5).

Il vaut décidément mieux Bob Dylan comme prix Nobel que Hilary Clinton comme présidente des Etats-Unis. On pourrait aussi suggérer que ce soit Michèle Obama qui devienne présidente à la place de Hillary Clinton et ainsi éviter, dans les temps durs que nous connaissons, les frais de deux déménagements. Et donner à Trump le premier prix de littérature pornographique en 2017. 


(Presque) dernière minute. Mardi matin, une sculpture en l’honneur de Hilary et du Président de Goldman Sachs,  a été érigée près de Wall Street, sur Union Square. Elle représente, selon la presse, une Hillary Clinton aux pieds fourchus dont la robe est relevée par Lloyd Blankfein, président de Goldman Sachs, en train de lui chatouiller le nombril. En cliquant sur http://nypost.com/2016/10/18/nearly-naked-hillary-clinton-statue-sparks-fury-downtown/ vous pouvez y avoir accès. Ma pudeur naturelle et ma bonne éducation me retiennent de vous la montrer de façon directe, sauf si vous me le demandez poliment.

(1) Un professeur de littérature classique à Harvard, Richard Thomas, consacre depuis plusieurs années un séminaire à Bob Dylan. Dans le contexte actuel, dit Thomas, Dylan pourrait être considéré comme l’équivalent d’Homère et de Virgile. Voir Jennifer Schluessler and Dina Kraft, Bob Dylan 101: A Harvard professor has the coolest class on campus, The New York Times, October 14, 2016.
(2) Leah McGrath Goodman, Hillary Clinton’s leaked speech excerpts show she has embraced Wall Street’s dark side, Newsweek, October 12, 2016.
(3) Voir Caroline Baum and Victor Niederhoffer, Is Hillary Clinton a better commodities trader than Geroge Soros, or did she just get really, really Lucky ? Both explanations leave something to be desired, National Review, February 20, 1995. http://www.nationalreview.com/article/436066/hillary-clintons-cattle-futures-windfall
(4) Seth Anderson, John Jackson Jeffrey Steagall, A note on odds in the cattle futures market, Journal of Economics and Finance 18 (1994), 357.

(5) Amy Chozink and Nicholas Confessore, Hacked Transcripts Reveal a Genial Hillary Clinton at Goldman Sachs Events, The New York Times, October 15, 2016.

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