jeudi 14 février 2013

Economie et dystopie : immortalité et fécondité


Pierre Pestieau

Dans un de ses meilleurs romans Les intermittences de la mort, José Saramago, Prix Nobel 2005 de littérature (1) nous présente ce qui adviendrait si nous devenions soudain immortels. Cette dystopie (2) se déroule dans un pays sans nom où se produit un événement extraordinaire qui plonge la population dans l’euphorie : plus personne ne meurt. Mais le temps, lui, poursuit son œuvre, et l’immortalité se révèle n’être qu’une éternelle et douloureuse vieillesse. L’allégresse cède la place au désespoir et au chaos : les hôpitaux regorgent de malades, les familles ne peuvent plus faire face à l’interminable agonie de leurs aînés, les entreprises de pompes funèbres ferment, les compagnies d’assurance sont ruinées, une maphia (c’est ainsi que Saramago l’appelle) s’organise pour transporter les vieux qui veulent mourir dans le pays voisin, l’État est menacé de faillite et l’Église de disparition, car, sans mort, il n’y a pas de résurrection et, sans résurrection, il n’y a pas d’Église. Chacun cherche alors la meilleure façon, ou la pire, de mettre fin au cauchemar de la vie éternelle jusqu’au jour où la mort décide de reprendre du service.

Dans l’œuvre de Saramago, l’immortalité surgit à état de santé donné. Le taux de dépendance effectif, à savoir le rapport entre ceux qui ne peuvent plus travailler pour raison de santé et ceux qui le peuvent ne cesserait d’augmenter pour tendre vers l’infini. Saramago aurait aussi pu imaginer que longévité et santé évolueraient de pair.  Dans ce cas, le taux de dépendance resterait constant. Il est intéressant de se demander ce que seraient les implications d’une telle situation si elle avait perduré. Dans l’hypothèse choisie par l’écrivain portugais, il est clair que le monde devait s’écrouler après quelque 60 ans, dès que ceux qui sont nés au moment où l’événement s’est produit auraient atteint l’âge où ils ne seraient plus capables de travailler. La production tomberait à 0. Dans l’hypothèse où l’état de santé s’améliorerait avec le vieillissement, la société ne serait pas vouée à disparaître mais le salut devrait passer par la fécondité. Très rapidement, le plus rapidement possible, pourrait-on espérer, l’humanité comprendrait qu’elle ne doit plus se reproduire. Se poserait alors la question de ce qu’est la taille optimale de la population comme celle de sa taille limite, où chacun consomme son niveau de subsistance. Qu’adviendrait-il si l’humanité devenait immortelle ? Est-on assuré que les individus et les nations auraient la sagesse de limiter, voire mieux d’arrêter les naissances ? Que deviendrait une société dont les membres vieilliraient tous ensemble ? Ce sont là des interrogations qui peuvent paraître sans intérêt. Et pourtant l’accroissement constant de la longévité sur une planète qui connaît de nombreuses limites soulève des questions économiques et éthiques qui n’en sont pas tellement éloignées.

Supposons que la terre ne puisse décemment accueillir plus de 10 milliards d’habitants ; supposons en outre que la longévité continue de croître d’un an tous les 5 ans ; supposons enfin que l’humanité puisse choisir entre une population à forte fécondité et basse longévité ou une population à faible fécondité et longévité élevée. Ce choix qui peut paraître choquant se fait déjà et continuera de se faire au niveau des individus comme à celui de la nation. En poussant ce choix à son paroxysme, la fable de Saramago permet d’en souligner toutes les implications. Dès lors que l’on admettra que notre planète est une sorte de vaisseau spatial dans lequel les places sont comptées, toute décision individuelle qui prolonge la vie (contrôle des consommations et comportements à risque : tabac, alcool, manque d’exercice, obésité) aura des implications sur le taux de fécondité et vice versa. Parallèlement toute politique publique dans le domaine de la santé, de la sécurité routière, et des habitudes alimentaires aura des conséquences sur la croissance démographique.

On peut rapprocher la dystopie de Saramago de celle de P. D. James parue en 1993 dans Children of Men, dont le cadre est le Royaume-Uni en proie au chaos. Pandémies, guerres et terrorisme conduisent les femmes à devenir stériles, menant ainsi l'humanité à l'extinction. Un excellent film de science-fiction, réalisé par Alfonso Cuaróns en 2006 a été tiré de ce roman. Comme chez Saramago, cette situation ne se prolonge pas et la vie reprendra son cours normal. Mais si cette situation devait durer, la seule chance pour l’humanité est précisément la vie éternelle. On retrouverait la situation cauchemardesque où mille ans après le début de la stérilité généralisée, les nouveaux nés d’alors auraient 1000 ans et les centenaires d’alors auraient 1100 ans. Comme, par hypothèse, la santé aurait progressé de concert, les uns et les autres seraient en bonne forme. Du point de vue économique, il n’y aurait pas de problème. Le problème serait ailleurs : l’homme est il capable de se supporter lui-même et de supporter ses contemporains pendant une éternité (3). Voilà une question que nous pourrions confier à nos collègues expérimentalistes.

(1) José Saramago, Les intermittences de la mort, Paris : Le Seuil, 2008.
(2) Une dystopie — ou contre-utopie — est une fiction peignant une société imaginaire, organisée de façon à empêcher ses membres d'atteindre le bonheur, et contre l'avènement de laquelle l'auteur entend mettre en garde le lecteur.
(3) Ceci nous renvoie à la nouvelle de Borges, « L’immortel », consacré à la vanité de la quête de l'immortalité alors que ce qui motive chacun de nous est de se savoir mortel. Un Romain qui a servi dans les armées de César trouve un fleuve qui lui donne l'immortalité, puis passera des siècles à chercher le ruisseau qui pourra le rendre à nouveau mortel. Cette nouvelle a été reprise dans le recueil de nouvelles Aleph, Paris : Gallimard, 1966.

3 commentaires:

  1. Le Prix Nobel

    Mondialement connu, le prix Nobel n’est certainement plus un nouveau mot. Ayant récompensé de nombreuses personnalités, le prix Nobel reste une source d’inspiration pour des chercheurs et de grandes personnalités soucieux d’aider l’humanité. Pour une meilleure compréhension des conditions d’attribution de ce grand prix, il est important de le définir.
    Qu’est ce que le prix Nobel ?

    Décerné chaque année à Stockholm, en Suède, le prix Nobel revient à des scientifiques, à des politiciens et à toute personne ayant grandement participé à l’amélioration de l’humanité. Ce prix donne droit à...lisez ici la suite http://stockholm.fr/le-prix-nobel/

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  2. Le Prix Nobel

    Mondialement connu, le prix Nobel n’est certainement plus un nouveau mot. Ayant récompensé de nombreuses personnalités, le prix Nobel reste une source d’inspiration pour des chercheurs et de grandes personnalités soucieux d’aider l’humanité. Pour une meilleure compréhension des conditions d’attribution de ce grand prix, il est important de le définir.
    Qu’est ce que le prix Nobel ?

    Décerné chaque année à Stockholm, en Suède, le prix Nobel revient à des scientifiques, à des politiciens et à toute personne ayant grandement participé à l’amélioration de l’humanité. Ce prix donne droit à un montant de un million d’euros destinés à encourager les lauréats dans leur recherche. Création littéraire, découverte scientifique, acte de paix, les conditions d’attribution du Prix Nobel concernent tous les secteurs. Existant depuis plus d’un siècle, le prix Nobel a reçu son nom du fameux scientifique suédois Alfred Nobel.
    Qui était Alfred Nobel?

    Chimiste suédois connu pour avoir créé la dynamite, Alfred Nobel dédie la totalité de sa fortune à la mise en place d’une institution reconnaissant les plus importantes inventions de l’humanité. Propriétaire d’une grande entreprise d’armement, il aura également donné son nom à un élément chimique le nobélium. N’ayant pas eu d’enfants, l’important legs de ce scientifique suédois a permis de mettre en place la fondation dédiée à la reconnaissance des...lire la suite http://stockholm.fr/le-prix-nobel/

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    1. Qu’est ce que le prix Nobel ?

      Décerné chaque année à Stockholm, en Suède, le prix Nobel revient à des scientifiques, à des politiciens et à toute personne ayant grandement participé à l’amélioration de l’humanité. Ce prix donne droit à un montant de un million d’euros destinés à encourager les lauréats dans leur recherche. Création littéraire, découverte scientifique, acte de paix, les conditions d’attribution du Prix Nobel concernent tous les secteurs. Existant depuis plus d’un siècle, le prix Nobel a reçu son nom du fameux scientifique suédois Alfred Nobel.
      Qui était Alfred Nobel?

      Chimiste suédois connu pour avoir créé la dynamite, Alfred Nobel dédie la totalité de sa fortune à la mise en place d’une institution reconnaissant les plus importantes inventions de l’humanité. Propriétaire d’une grande entreprise d’armement, il aura également donné son nom à un élément chimique le nobélium. N’ayant pas eu d’enfants, l’important legs de ce scientifique suédois a permis de mettre en place la fondation dédiée à la reconnaissance de...lire la suite ici http://stockholm.fr/le-prix-nobel/

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