Malgré qu’il soit bien plus jeune que moi, mon ami blogueur
parle beaucoup de la vieillesse ; elle me préoccupe moins, et n’est pas
mon sujet de recherche. J’ai aussi lu l’ouvrage de Saramago (1), mais de façon
différente, en y repérant ce qui m’amènerait à parler de ce dont je veux
vraiment parler, les vers à soie, les champignons et les méduses. Avant d’y
arriver, je veux vous citer l’un ou l’autre extrait qui devrait vous inciter,
tout autant que ce qu’en dit Pierre Pestieau, à lire Saramago d’une autre façon
aussi.
On y trouve notamment l’idée qu’il « faut user
d’infiniment de précautions avec les mots, car ils changent d’avis comme les
êtres humains » (p. 72) ou encore que
« sauf le problème des
pensions, sauf le problème de la mort, sire, si nous ne recommençons pas à
mourir, nous n’aurons plus d’avenir. Le roi fit une croix à côté du mot pensions
et dit, Il faut qu’il se passe quelque chose, Oui, majesté, il faut qu’il se
passe quelque chose » (p. 97),
qui a sûrement dû attirer l’attention de Pierre qui
répète depuis bien longtemps « il faut qu’il se passe quelque
chose », mais le roi ne l’a guère écoute jusqu’ici, hélas.
Je pourrais, ou plus exactement, je devrais
m’arrêter là, parce que tout est dit, et que de toute façon, si vous avez lu le
blog qui précède, vous connaissez l’histoire et sa fin. La vie ne peut être
qu’une intermittence, et la mort doit durer plus longtemps. Encore que, page
82, il y a une question autrement plus grave
« que l’esprit qui plane
au-dessus des eaux posa à l’apprenti philosophe. A quel moment meurt le ver à
soie après s’être enfermé dans le cocon et en avoir refermé la porte à double
tour, comment une vie a-t-elle pu naître de la mort d’une autre vie, et être la
même chose différemment, ou le ver à soie n’est-il pas mort parce qu’il est
vivant dans le papillon. L’apprenti philosophe répondit, Le ver à soie n’est
pas mort, aucun cadavre n’est resté dans le cocon, c’est le papillon qui mourra
après avoir pondu ses œufs ».
Le ver à soie serait-il
donc immortel ? Pas sûr, mais humungus
fungus pourrait bien l’être. C’est en tout cas l’organisme vivant le plus
grand et le plus vieux sur terre. Il pèse 100 tonnes, on estime son âge à plus
de 1.500 ans. Ce qu’on en voit sur l’image est petit par rapport aux 154.000 mètres
carrés qu’il occupe sous terre, à Crystal Falls, Michigan (2). Humungus n’est pas un champignon hallucinogène,
mais la légende veut que Bill Clinton ait essayé d’en fumer, sans préciser si
c’est en compagnie de Monica.
Certaines éponges
peuvent atteindre l’âge de 10.000 ans. Mais si vous voulez l’immortalité
biologique, il faut vous transformer en méduse turritopsis dohrnii ; ce n’est pas très tentant, mais c’est le
prix à payer. Une fois adulte, cette méduse se met à rajeunir et finit par
atteindre son stade initial de polype, puis un nouveau cycle recommence. Et
pire (ou mieux, c’est selon ce que vous aurez retenu du blog de Pierre), cette
méduse découverte il y a 25 ans sur la riviera italienne, se propage en
survivant dans tous les océans et, rajoute le New York Times (3) « on peut imaginer qu’à terme, lorsque
toutes les autres espèces auront disparu, l’océan se transformera en un grand
amas de méduses immortelles, une éternelle et gigantesque conscience gélatineuse ».
(1) José Saramago, Les intermittences de la mort, Paris : Le Seuil, 2008.
(2)
Hillary Rosner, In a place for the dead, studying a seemingly immortal species,
New York Times, December 31, 2012. http://www.nytimes.com/2013/01/01/science/studying-seemingly-immortal-lichens-in-a-place-for-the-dead.html?pagewanted=all
(3)
Nathaniel Rich, Can a jellyfish unlock the secret of immortality ?, New York Times, November 28, 2012. http://www.nytimes.com/2012/12/02/magazine/can-a-jellyfish-unlock-the-secret-of-immortality.
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