Victor Ginsburgh
La cuisine du conflit (1), une invention amusante, qui
nous change de la cuisine des étoiles du Michelin
ou des notes du Gault Millau.
Un restaurant (en fait plutôt un snack bar, mais
qui compte
bien se transformer en restaurant dans les prochaines années)
installé à Pittsburgh et co-fondé par Jon Rubin, professeur à l’école des arts
de l’Université Carnegie-Mellon, offre uniquement de la cuisine originaire des
pays avec lesquels les Etats-Unis sont en conflit : boycotts (Iran),
embargos (Cuba), querelles diplomatiques (multiples), mais aussi guerres
(patientez un peu, même s’il n’y en a pas qui soit ouverte, cela ne va pas
tarder), bref de tous ces pays et peuples qui font partie de l’axe du mal si
cher à Bush et Cheney, mais aussi à John Kennedy (pour l’imposition d’un
boycott sur Cuba, en 1960 déjà) et autres.
Cela peut évidemment faire pas mal de cuisines
différentes, de Cuba (lechon asado,
un porc mariné cuit à basse température) à l’Iran (les dîneurs à Philadelphie y
dégustaient le même plat—des kubideh—que
leurs collègues en Iran, avec lesquels ils étaient en contact par skype), en
passant par l’Afghanistan avec des bolani
(une pâte grillée, contenant des épinards, des lentilles rouges et des
pommes de terre) l’Irak (des kebabs,
sans doute), la Russie (caviar à la
louche, bien sûr, mais de lompe, parce que les esturgeons sont partis chez le
Bon Dieu). Le restaurant se
prépare à la cuisine nord coréenne qui est en train de se préparer pour la
saison d’hiver.
Selon le patron Jon Rubin, Conflict Kitchen « donne une nouvelle forme aux relations
sociales habituelles auxquelles donne lieu l’acte de manger. Elle force le
public à discuter en public des pays, des cultures et des peuples dont il ne
connaît rien sinon la rhétorique polarisante de la politique américaine (les
bons et les méchants) et la lunette étroite des grands titres dans les
media » (2).
Deux faits à noter : le restaurant change de
nom tous les
six mois, c’est-à-dire chaque fois qu’il change l’origine de la
cuisine. Ce sera bientôt Israël avec ce qu’ils ont fait voir à Kerry et à Obama,
et la Russie. Mais je préfère quand même, et de loin, le caviar, même s’il est
de lompe, à ce qui sera servi dans le premier cas, des falafels et de la carpe
farcie. Et la cuisine ukrainienne, c’est pas très bon non plus. Suivront sans
aucun doute le nouveau Califat, avec des plats syro-irakiens préparés par le
calife qui est devenu calife à la place du calife.
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