mardi 9 septembre 2014

Cuisine de guerre


Victor Ginsburgh

La cuisine du conflit (1), une invention amusante, qui nous change de la cuisine des étoiles du Michelin ou des notes du Gault Millau.

Un restaurant (en fait plutôt un snack bar, mais qui compte
bien se transformer en restaurant dans les prochaines années) installé à Pittsburgh et co-fondé par Jon Rubin, professeur à l’école des arts de l’Université Carnegie-Mellon, offre uniquement de la cuisine originaire des pays avec lesquels les Etats-Unis sont en conflit : boycotts (Iran), embargos (Cuba), querelles diplomatiques (multiples), mais aussi guerres (patientez un peu, même s’il n’y en a pas qui soit ouverte, cela ne va pas tarder), bref de tous ces pays et peuples qui font partie de l’axe du mal si cher à Bush et Cheney, mais aussi à John Kennedy (pour l’imposition d’un boycott sur Cuba, en 1960 déjà) et autres.


Cela peut évidemment faire pas mal de cuisines différentes, de Cuba (lechon asado, un porc mariné cuit à basse température) à l’Iran (les dîneurs à Philadelphie y dégustaient le même plat—des kubideh—que leurs collègues en Iran, avec lesquels ils étaient en contact par skype), en passant par l’Afghanistan avec des bolani (une pâte grillée, contenant des épinards, des lentilles rouges et des pommes de terre) l’Irak (des kebabs, sans doute), la Russie (caviar à la louche, bien sûr, mais de lompe, parce que les esturgeons sont partis chez le Bon Dieu).   Le restaurant se prépare à la cuisine nord coréenne qui est en train de se préparer pour la saison d’hiver.

Selon le patron Jon Rubin, Conflict Kitchen « donne une nouvelle forme aux relations sociales habituelles auxquelles donne lieu l’acte de manger. Elle force le public à discuter en public des pays, des cultures et des peuples dont il ne connaît rien sinon la rhétorique polarisante de la politique américaine (les bons et les méchants) et la lunette étroite des grands titres dans les media » (2).

Deux faits à noter : le restaurant change de nom tous les
six mois, c’est-à-dire chaque fois qu’il change l’origine de la cuisine. Ce sera bientôt Israël avec ce qu’ils ont fait voir à Kerry et à Obama, et la Russie. Mais je préfère quand même, et de loin, le caviar, même s’il est de lompe, à ce qui sera servi dans le premier cas, des falafels et de la carpe farcie. Et la cuisine ukrainienne, c’est pas très bon non plus. Suivront sans aucun doute le nouveau Califat, avec des plats syro-irakiens préparés par le calife qui est devenu calife à la place du calife.



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