Pierre
Pestieau
Cette année,
le 6 août, de nombreux Belges auraient pu entonner une version actualisée de
leur hymne national : « Après des mois d’esclavage, le contribuable
belge sortant du tombeau a reconquis par son
courage son pognon, ses droits et sa liberté ». Il faut en effet dire que la Belgique est le dernier pays
de l’Union européenne à atteindre son « jour de libération fiscale ». Ce terme
qui est largement utilisé dans les milieux libéraux désigne la date à laquelle le salarié cesse de verser des impôts à
l’État et peut disposer de ses revenus comme bon lui semble. D’après le cabinet
d’audit financier EY (Ernst and Young), ce jour évolue chaque année. Il faut
aujourd’hui travailler 3 jours de plus qu’il y a cinq ans pour financer l’État.
Les premiers pays à fêter leur jour de libération fiscale dans l'UE sont Chypre
(21 mars), l'Irlande (28 avril) et Malte (28 avril). Les pays où la pression
fiscale est la plus élevée de toute l'UE sont l'Autriche (25 juillet), la
France (28 juillet) et enfin la Belgique (6 août). Sans vouloir jeter cet
indicateur aux orties il importe d’en limiter et d’en discuter la pertinence.
D’abord il
y a l’expression « libération fiscale » qui a une teneur idéologique
claire. Elle implique que l’argent recueilli par l’Etat est sans utilité. Or, à
supposer que l’argent public soit efficacement utilisé, c’est tout le
contraire. La dépense publique aurait alors autant de valeur, que la dépense
privée et le jour de libération fiscale coïnciderait avec le jour de l’an.
Cette
conclusion extrême appelle deux réserves liées au caractère démocratique du fonctionnement
de l’Etat et à l’hétérogénéité de la société. Supposons pour un instant que la
société soit peuplée d’individus identiques et que les choix budgétaires du
gouvernement soient approuvé par ces individus, alors le partage des revenus
dépenses publiques et privées se justifie par l’avantage comparé des deux
sphères. Il y a des dépenses qui pour des raisons évidentes doivent être
confiées à la collectivité : la défense nationale, la sécurité, l’éducation et la politique sociale.
La relative importance des deux sphères, publique et privée, relève des choix
démocratiques des citoyens. Les pays scandinaves confient généralement plus de
missions à l’Etat que les pays anglo-saxons.
L’autre
réserve vient précisément de ce que la société est peuplée de gens différents
et que pour la plupart d’entre eux, la pression fiscale est beaucoup plus basse
que la moyenne. En fait si l’on tient compte du bénéfice net, à savoir l’ensemble
des prestations moins les contributions, le jour de libération fiscale se situe
pour la majorité des citoyens bien avant le 1er janvier.
(1) Pour les rares
inciviques que compte notre lectorat, voici les paroles de cette version de la
Brabançonne : « Après des siècles
d'esclavage,
Le Belge sortant du tombeau,
A reconquis par son courage,
Son
nom, ses droits et son drapeau.
Et ta main souveraine et fière,
Désormais
peuple indompté,
Grava sur ta vieille bannière:
Le Roi, la Loi, la Liberté! »
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