Victor Ginsburgh (*)
Alors que le nouveau Président de la Commission, les commissaires et le
nouveau Parlement Européen s’installent en douce, sans faire trop de bruit, en
coulisse et ce depuis plusieurs années, la Commission fabriquait une
réglementation européenne des
toilettes, ou je dis bien, toilettes, c’est-à-dire urinoirs, water
closets, bidets et autres.
Rien de plus important depuis la crise dont nous ne parvenons pas à sortir
depuis 2008. Mais cela promet une relance sérieuse d’un secteur en chute libre: celui des lieux d’aisance. C'est d'autant plus important que Janet Yellen, Présidente du Conseil des Gouverneurs de la Réserve Fédérale des Etats-Unis disait hier soir que l'Europe « fait partie des risques qui pèsent sur l'économie mondiale ».
L’étude dont il sera question ici avait été précédée par un « Ecolabel
européen pour le papier hygiénique et autres produits absorbants à usage
domestique [définis comme] feuilles ou rouleaux de papier destinés à l’hygiène
personnelle, à l’absorption de liquides et/ou au nettoyage de surfaces
souillées » et dont les conclusions ont paru le 1er juillet 2011 (le 14 ou
le 21 juillet auraient été préférables) (1).
Il était dès lors normal que cette très intéressante étude soit accompagnée
par une autre étude du même acabit, lancée en mars 2010 et consacrée à
« l’identification des groupes de produits qui utilisent de l’eau »
(2) cosignée par trois auteurs. Ce précieux manuscrit décrit l’ordre d’urgence
dans lequel il fallait envisager les choses : robinets (sans jeu de mots),
toilettes et urinoirs, un par coauteur. Vous pourrez vérifier sur le site web
(3), que ce premier rapport a été suivi de 24 autres, pour se terminer en
beauté en janvier 2014 par un rapport préliminaire de 67 pages, également cosigné
par trois auteurs, dont deux étaient déjà présents dans le document dont
question plus haut. Ce rapport contient les éléments clé (key findings) ;
il est intitulé (je traduis librement de la langue de Shakespeare qui
n’hésitait guère à être scatologique de temps à autre) « Rapport
préliminaire sur le développement et l’évidence relative aux toilettes munies
de chasse d’eau et aux urinoirs » (4). Notez en passant qu’il a fallu près
de quatre années d’études pour passer du premier rapport préliminaire au
dernier rapport préliminaire, qui ne discute d’ailleurs pas encore des robinets.
C’est sans doute la raison pour laquelle le rapport est toujours préliminaire.
On aura compris qu’il s’agit d’économiser l’eau potable.
N’ayant pas pu
mettre la main sur le rapport en français (pour autant qu’il existe), je
traduis ici quelques éléments essentiels, auxquels Monsieur de La Palisse soi-même
n’aurait pas pensé :
« Deux facteurs semblent influencer la consommation d’eau des toilettes
à chasse d’eau et des urinoirs : leur conception (design) et la manière
dont on les utilise. L’influence de la conception sur la consommation d’eau est
évidente : les chasses d’eau des water et des urinoirs utilisent, lorsqu’on les actionne, une quantité prédéterminée d’eau, qui varie de produit à
produit. Les habitudes du consommateur sont également cruciales et doivent sans
aucun doute être soulignées. L’analyse du comportement qui a été réalisée
montre que la consommation moyenne d’eau varie d’un Etat membre à l’autre. Il
faut ajouter que la consommation faite par les consommateurs dans un même état
varie également de façon significative. Un certain nombre de paramètres jouent
un rôle fondamental dans ces variations, y compris des aspects culturels »
(5).
« Des aspects culturels », du vrai Shakespeare, sans doute pas fort
bien traduit.
Mais « la Commission européenne sortante ne publiera pas de plan
d’action ambitieux destiné à réduire le gaspillage alimentaire en Europe d’ici
2025. Selon le parlementaire Bart Staes (Groen), le plan est bloqué par le
Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso » (6).
Ben oui, tout ce qui est gaspillé n’ira pas dans les toilettes et ne
nécessitera pas de tirer la chasse. Quel grand homme ce Barroso, quel rare sens
de la priorité et quelle remarquable cohérence dans les décisions de l’Union.
(*) Merci à Claude N. qui a attiré mon attention sur cette importante
question.
(6) Céline Bouckaert, Barroso bloquerait le plan européen contre le gaspillage
alimentaire, Le Vif, 15 septembre
2015.
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