Pierre Pestieau
« Quand des routes défoncées freinent les Allemands
qui vont bosser,
les chômeurs français peuvent rouler sans souci sur des voies impeccables pour
aller pointer au Pôle emploi… »
C’est par cette boutade que le Canard
Enchainé (1-10-14) conclut un article signalant la faiblesse des dépenses
d’investissement public de l’Allemagne (1,6%), alors que la France peut se
targuer d’un niveau nettement plus élevé (3,2%).
La plupart des pays européens qui ont pratiqué l’austérité budgétaire ont
dû baisser le montant de leurs dépenses publiques et dans cette opération, ils
ont d’abord coupé dans les dépenses d’investissement. Cela fait moins mal dans
l’immédiat. En revanche à terme, cela peut s’avérer extrêmement coûteux. C’est
un peu comme ce ménage qui face à une baisse de revenu se refuse à réduire son
niveau de consommation et préfère ne pas réparer une toiture qui fuit. Après quelques
années il ne suffira plus de remplacer quelques ardoises mais l’ensemble du
toit y compris la charpente.
En finances publiques, l’immédiat a la priorité parce que c’est ce qui intéresse
l’électeur et donc l’homme politique. L’immédiat couvre les salaires et les
dépenses courantes. En revanche les dépenses d’investissement et les différentes
formes d’endettement, que ce soit par le système de retraites ou par la dette
publique traditionnelle, intéressent moins parce qu’elles affectent non pas les
générations présentes mais futures.
Dans une étude récente du think tank
Bruegel (1), on apprend que les dépenses
d’investissement ont baissé de 1% sur la période 2009-2013 dans les pays de
l’Europe des 15 à l’exception de l’Italie et des PIGS (littéralement,
« porcs » en anglais), ce détestable acronyme utilisé pour désigner les quatre pays malades
de l'Union européenne (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne). En revanche la
chute a été de 51% pour les PIGS et de 24% pour l’Italie. A côté de cela, les
Etats Unis ont vu leurs dépenses d’investissements publics augmenter de 20% durant
la même période. Il y a quelque chose d’ironique dans ce
tableau. Ce sont précisément les pays qui connaissent une forte dépression qui
devraient renoncer temporairement à des coupes budgétaires trop drastiques
surtout dans les domaines des dépenses d’investissement. En maintenant ces
dépenses, on maintient la demande globale à un niveau tolérable et de surcroît
on peut justifier la non réduction des déficits en arguant du fait que de
telles dépenses bénéficieront aux générations futures et compenseront pour
partie la dette qui leur est transmise. On ne prête qu’aux riches, en
l’occurrence les Etats Unis et la Suisse qui eux n’ont cessé d’accroître leurs
dépenses d’investissement.
Pour revenir à l’Allemagne
avec laquelle nous avons commencé, il est clair que ses
investissements publics sont extrêmement faibles. Cela a conduit l’hebdomadaire
The Economist du 18 octobre 2014 d’y
consacrer un article intitule : Le
gouvernement allemand devrait investir dans ses infrastructures et ne pas tant se préoccuper d’équilibrer
son budget. (The German government should invest money in infrastructure, not
worry about balancing its budget) (2).
L’article commençait par une invective adressée a la Chancelière: Build some bridges and roads, Mrs Merkel.
(1) Francesca Barbiero and Zsolt Darvas, In sickness and in health: protecting and
supporting public investment in Europe, Bruegel Policy Brief, February
2014.
(2)
http://www.economist.com/news/leaders/21625784-german-government-should-invest-money-infrastructure-not-worry-about-balancing-its
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